Ça y est, c’est dimanche. Pour certains c’est le jour du Seigneur, pour beaucoup le jour du repos. Mais pas pour toi. Parce que le dimanche, c’est rugby.
Tu arrives au stade avec trois heures d’avance, pourtant les bénévoles sont déjà sur tous les fronts. Des passionnés qui vivent le rugby par procuration, ou des anciens joueurs qui rendent à leur club ce que celui-ci leur a donné. Ceux-là même qui se cassent le cul dans leur guitoune en plein hiver pour 20 pauvres entrées au stade. Mais ils sont là, parce que dimanche, c’est rugby.
L’heure fatidique approche, tout le monde à table. Dans ton assiette, le mythique pâtes-poulet. Parfois, le menu change : c’est poulet-pâtes. On commence à parler du match, de l’adversaire. Comme chaque dimanche, c’est gros devant et c’est rapide derrière. Ils ont un 8 qui avance et un 10 avec un bon pied. Les piliers se resservent trois fois mais personne ne leur dit rien. Le bus adverse arrive. Le casque sur les oreilles et les jambes lourdes, les adversaires te dévisagent. Ils vont voir la pelouse, parce qu’on sait jamais, elle est peut-être différente ici.
Dans les vestiaires : du strap, du camphre, de la ventoline, des bruits de crampons et encore du strap. C’est un moment particulier, presque hors du temps. Tu t’apprêtes à partir à la guerre avec des mecs que tu n’aurais jamais côtoyé ailleurs. Des petits mots, des clins d’œil, puis des tapes dans l’épaule, des claques, des coups de casque. La chauffe est interminable. Le coach donne ses dernières consignes : pendant le premier quart d’heure, le 5 de devant ne touchera pas le ballon ; si on perd la première mêlée, on relève… Les épaules tournent, les phalanges craquent. Il y en a toujours un qui pleure, des fois il ne sait même pas pourquoi. Tout le monde attend que l’arbitre donne ce putain de coup de sifflet pour partir au combat.
Et quel combat. Pendant 80 minutes, c’est du 15 contre 15, avec un truc ovale au milieu. Ça se plaque, ça se percute, ça se chambre. Et puis PAF. « Ça tombe ». Un mot de travers, un placage un peu appuyé, un déblayage limite, et ça dégénère. Les plus sanguins sortent la moulinette. Moment de partage : on donne et on reçoit. L’arbitre envoie au frigo les malchanceux pris en flagrant délit. Et puis ça repart comme si de rien n’était, mais on a montré qu’on était chez nous.
Pendant ce temps, derrière la main courante, les vieux de la vieille, ceux qui jouaient avant même que tu ne saches dire « rugby », donnent des leçons d’arbitrage à l’arbitre, le cul vissé sur leur tribune. On rhabille les joueurs pour trois hivers entre deux bises. Les blessés se mordent les doigts en regardant les copains se blesser à leur tour. Ta mère, qui vient te voir jouer une fois tous les 3 ans, se couvre les yeux en se demandant pourquoi tu joues à ce sport de cons. On annonce le gagnant de la bourriche même si bizarrement tu connais personne qui ne l’ait jamais gagnée.
Sur le banc de touche, le soigneur donne un doliprane et un coup de froid à ton ailier qui s’est sûrement fait les croisés. Le coach s’arrache les cheveux pendant que le capitaine essaie d’expliquer à l’arbitre pourquoi ton deuxième ligne a mordu son vis-à-vis. Et puis arrivent les trois coups de sifflet. Une équipe exulte, l’autre reste à terre. La fête est finie. Ou du moins, elle se déplace.
Vient alors la fameuse troisième mi-temps. On refait le match en attendant les autres résultats de la poule. Les futs de bière tombent comme des mouches. Les oies sauvages passent par dessus l’étang. Joe Dassin siffle sur sa colline. La nuit tombe, l’alcool fait son effet, les langues se délient et les philosophes se multiplient autour du bar. Tu vas pisser 10 fois dans la soirée, et puis tu rentres à la maison avec la tête qui tourne et ce sentiment du devoir accompli. Le lundi matin, le mal au crâne et plein de courbatures, tu retournes au boulot pour la semaine en attendant qu’une seule chose, dimanche prochain. Parce que le dimanche, c’est rugby.
San Atonio
"Le doliprane et le coup de froid à l'ailier qui s’est sûrement fait les croisés.."
J'en pleure encore de rire 😊
white soutane
Eh oh! Je suis curé et président d'un club amateur (RCTP-XV des curés) et y'a pas de conflit entre la messe du dimanche et les matchs! Trouvez une autre excuses, genre "j'ai poney" si vous voulez louper la messe. Allez, que le Seigneur vous bénisse quand même.
arnaud famy
Et comme le christ, es tu pour la distribution des pains ?🙂
CEVEN
Si c'est cette même équipe dont il s'agit (http: / /seminaire.frejustoulon.fr/historique-du-rctp/), l'historique/genèse du club est inattendu et le récit agréable avec un ton qui "va bien".
Postulez pour tenir une chronique sur le Rugbynistère ...
etche
Parfait ! et ça sent le vécu, et surtout tellement vrai. On s'est tous reconnu dans cette ambiance de vestiaire de rugby local Bravo !
setonaikai
Très beau!
YannisDom
Merci à tous et à dimanche !
arnaud famy
franchement, je l'ai relu, et c'est vraiment très bon. En des mots très simples, sans prétentions, on retrouve toute l'humanité et la simplicité de ce moments ou chaleur humaine, solidarité, échange, partage, émotions, font que des hommes sont heureux de se retrouver pour vivre un petit truc ensemble. Même le plus simple comme un match de rugby de fin fond de province révèle une grande importance. na sincèrement, la j'étais en tribune à humer l'odeur de la pelouse, avec a côté de moi les mecs qui hurlent " oh le 5 enculé voyou", avec mon petit niveau et ma petite pratique on retrouve le bruit et l'odeur des vestiaires. On y est . Dans ce monde de cons ou apologie du néant,vide intellectuel, et vacuité matérielle sont de mise, c'est rafraichissant et rassurant .
arnaud famy
Ah ça c'est sur c'est pas les pousse citrouilles qui pourront en conter autant
Sapiens Sapiens
La loi Godwin s'énonce ainsi: "Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1 »
Je propose une loi Valeurs du Rugby s’énonçant ainsi:
"Plus une discussion sur le rugby dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver un dénigrement sans fondement du foot s’approche de 1 »
arnaud famy
un dénigrement sans fondement du foot c'est toujours légitime, justifié, et nécessaire
arnaud famy
Excellent ! On s'y croirait ! A faire, mais dans le sens déplacement ! Avec l'ambiance de l'aller, l'ambiance du retour ... super boulot
longomaî
Dans le mille, écrit avec le cœur.
Adessias
Zejack
Félicitations.
Kadova
Magnifique article qui decrit parfaitement. Ecris par un passionne, ca se voit, bravo a lui !
imanol22
Désolé mais on peut aller a la messe et jouer au rugby!!!
Au contraire t'as même une super excuse pour arriver a la bourre...
Très bel article..
moman
Uh....j'ai frissonne... Well done!
Rchyères
Très très bon !
Dodow
Le Rugby ça tient chaud
Le dimanche à 15 heures
juillet1789
Ton article est génial, je suis un vieux de la vieille qui est passé par tous les stades: de joueur, entraineur, bénévole et père de joueur, donc qui arbitre depuis les tribunes et explique toutes les combinaisons néozélandaises que ces cons n'appliquent pas sur le terrain alors qu'ils le pourraient !!!! Par contre pour la messe du dimanche, le rugby m'y a fait aller le samedi soir, si pas match, ou de m'en passer en m'excusant au prés du Bon Dieu, en lui faisant promettre de nous faire gagner le match à tout prix ......Vive le rugby amateur !!!! Vive le poulet-pâtes !!!!! sans oublier les carottes rappées....
mac B
Excellent, j'y étais
WarriusZero
Une preuve supplémentaire s'il en fallait que les rugbymen sont des poètes.
Très beau texte.
tomtomXV26
Superbe articles !
au fur et a mesure que je lisais, je revoyais les moments passé au club et les dirigeant du club. Superbe article !
artillon
Dis donc j'ai les poils qui se hérissent tiens !
david42fr
Merci...
MARCFANXV
Des fois, je me dis "faut être con pour aimer cela !!!!"....Mais j'aime être un peu con parfois, surtout le dimanche...Merci, bel article que voilà....
RuckAndRoll
Splendide.