Rugby amateur : les mauvais noirs renforcent leur staff avec l'arrivée d'un international

Vent nul, pelouse impeccable, public clairsemé mais connaisseur. L’ouvreur de la réserve, 22 mètres en face des poteaux, prend ses trois pas d’élan, se courbe, souffle un bon coup, s’élance, caresse le ballon qui s’envole et passe largement sur la gauche des poteaux. Une action comme souvent on en voit, et pourtant personne n’imaginait à cet instant que ce serait la dernière fois qu’on verrait Anthony Savoie sur un terrain de rugby. Le genou a couiné une dernière fois et quand ça veut pas, ça veut plus. Terminé, clap de fin sur une carrière internationale, montacutaine, saint simontoise et mauvais noir.

Un Cantalou de plus en moins dans l’effectif. Les filles pleurent, les enfants ne dorment plus, les supporters jettent leur carte d’abonnés. A quoi bon revenir au stade si Savoie ne joue plus. Qui nous fera rêver maintenant ? Le président, homme d’affaire averti, convoque Antho dans son immense bureau. Il allume le barreau de chaise que le père Noel lui a donné, pose les pieds sur le bureau et explique : « Tu vois Antho, ici à Issoire, il n’y a plus de place pour les estropiés ; On veut des winners, des tueurs, pas des moitié cassés de partout, tout juste bon à nous engloutir la moitié du budget elasto sur un match. J’ai bien réfléchi et nous ne te gardons pas. Bien sûr, si tu souhaites partir dans un autre club, nous te ferons une lettre de recommandation et même, comme c’est de coutume, un faux certificat médical assurant la solidité de ton genou. »

A ces mots justes mais cruels, Antho Savoie sentit les larmes lui monter aux yeux. Il prenait la décision comme une injustice et tentait de sauver sa peu en abusant d’argument peu glorieux : « Mais Président, vous avez gardé Emilien Pelissier en le nommant spécialiste vidéo ! » Le président, vieux renard des négociations, répliqua : « Mimile c’est pas pareil, depuis qu’il a eu une télé en couleur et une caméra super 8 pour ses 30 ans, il nous prouve chaque semaine qu’il peut, grâce a ses prises de vues, dénoncer n’importe quel joueur qui s’échappe sur une générale et n’importe quel joueur qui marche. Avec une telle mentalité, je préfère l’avoir avec moi que contre ! ». Antho lança son deuxième argument : « Et Ludo Solignac ? Même lui vous lui avez proposé un rôle ! Statisticien, rien que ça ! »

Le président, toujours aussi vif à la réplique lança : « Ludo, depuis qu’il a gagné deux fois de suite au loto du club avec seulement deux cartons achetés, j’ai pensé qu’il avait une technique bien à lui, faite de statistique en tous genre. C’est pourquoi je lui ai proposé ce poste. Mais si tu peux me prouver que te garder sera un plus pour l’équipe, je t’écoute. » Savoie, homme d’expérience retrouva le sourire et expliqua que c’est grâce à lui si Mathieu Chabaud, Anthony Bourliaud, Guillaume Moreau, Guillaume Labussiére, Jean Christophe Robin etc etc … arrivaient maintenant à passer le ballon entre les barres. Avant de venir ici, ils ne savaient rien faire : « je pourrais devenir responsable du jeu offensif et du jeu au pied ! ». Le président marmonna : « c’est sûr qu’on va pas te proposer d’être spécialiste de la défense et de la passe au premier centre… »

Prez Bernard, prit une feuille qui trainait sur son bureau, regarda le classement actuel de l’équipe première : 3ème, le maintien quasi dans la poche. Il souffla, et lâcha comme par dépit : « Allez va, tu seras officiellement nommé responsable du jeu au pied et offensif. Par contre, j’annoncerai cela au premier entrainement de l’année et dirai à tous que l’idée vient de Dédé. Faut pas non plus me prendre pour une truffe ».