L'Immonde comité de sélection N°3
Ovale Masqué part en mission au Stade de France...
Envoyé spécial de la FFR pour le match Stade Français - Stade Toulousain, Ovale Masqué va se voir confier une mission d'envergure...
Episode 3 : Stade Français – Stade Toulousain.

Le Stade de France ! Ce serait donc le lieu de ma toute première mission en tant que membre du comité de sélection. Moi qui rêvais d'ailleurs, d'exotisme, de connaître le doux frisson de l'aventure... je m'étais imaginé, tel Indiana Jones, parcourir les territoires inexplorés de l'Ovalie, non pas à la recherche de reliques poussiéreuses – la FFR en était déjà peuplée – mais de pépites, de joyaux, de diamants à polir pour reprendre une expression usée à tort et à travers dans la presse (par exemple, dans le cas de Mathieu Bastareaud, on l'utilise pour faire comprendre que le garçon a besoin d'un sérieux régime). Je me voyais déjà en expédition à Mont-de-Marsan, sans doute le seul club professionnel où je pourrais encore trouver des piliers que je serais capable de battre au 100m. Au Stade Lesdiguières à Grenoble, où le verre de vin chaud était offert, non pas par générosité, mais juste pour permettre aux spectateurs de survivre au froid pendant 80 minutes. Voire même à Castres. J'aurais pu découvrir ce peuple étrange qui voue un culte à Romain Teulet. Aider Labit & Travers à faire migrer leurs joueurs vers les Hauts-de-Seine en les cachant dans un camion, comme des réfugiés mexicains. Ca aurait été drôle, excitant. Mais au lieu de ça je me retrouvai à 10km de chez moi, pour couvrir une rencontre entre deux grosses cylindrées du Top 14, avec au moins 25 joueurs déjà sélectionnés présents sur la pelouse... bref, un match à l'intérêt très limité pour moi et ma nouvelle mission.

Renvoi Profond m'avait persuadé que la rencontre pouvait malgré tout être intéressante. Le Stade Français n'a plus d'argent, le Stade Toulousain s'économise en vue des doublons : ils seraient donc obligés de faire jouer des jeunes aujourd'hui. Il m'avait demandé de surveiller tout particulièrement un joueur, Jules Plisson. Le « Grand 10 » était le fantasme après lequel tous les sélectionneurs couraient depuis 30 ans. C'est bien connu, en France on aime bien les hommes providentiels : on s'est donc mis en tête qu'on ne pourrait pas remporter la Coupe du Monde sans un demi d'ouverture d'exception, un guide. Une théorie discutable quand on sait que les All Blacks ont réussi à gagner une finale en jouant avec Stephen Donald. Il devra être grand, beau, fort, charismatique, premier attaquant, premier défenseur, adroit et créatif à la main, puissant, précis et imperméable à la pression au pied. Bref il n'existait pas, ou alors c'était un modèle limité qu'on n'avait jamais vraiment su produire en France. Pourtant, Jules Plisson, 21 ans, pouvait être cet homme selon PSA. Il avait marqué 6 drops depuis le début du championnat. Une statistique suffisante pour faire de lui le futur « Wilkinson français ». Rappelons qu'avant lui, Lionel Beauxis avait aussi été un potentiel « Wilkinson français », mais qu'à ce jour il n'a réussi qu'à l'égaler en nombre d'opérations chirurgicales. Le grand espoir de 27-ans-ah-ouais-quand-même-il-serait-temps-que-tu-te-bouges-le-cul n'était d'ailleurs même pas présent sur la feuille de match pour faire face à son jeune prétendant.

C'est donc dans l'optique de surveiller ce joueur, et quelques autres jeunes loups, que je me rendis au Stade de France. Muni de mon accréditation de la FFR au nom de Pierre Jean-Christian, je découvris un monde nouveau, où toutes les portes s'ouvraient à moi. A la vue du précieux sésame, les vigiles les plus patibulaires se transformèrent en Jérôme Porical et m'ouvrirent le chemin sans opposer aucune résistance. Je découvris la tribune présidentielle, qui ne servirait désormais plus à rien puisque notre président se déclarant normal, j'imagine qu'il assistera aux matchs du XV de France en achetant des places derrières les poteaux à 80 euros sur ebay, comme les gens normaux. Aujourd'hui, il y avait néanmoins du beau monde. René Bouscatel, qui s'était levé de sa place pour serrer la main de Max Guazzini, et qui était passé devant Thomas Savare sans même le reconnaître. Le président toulousain s'excusa par la suite « Oh, c'est pas grave, ça m'arrive tout le temps vous savez » lui avait répondu son homologue parisien. Max Guazzini avait l'air en grande forme : fini le fantôme qui arpentait les couloirs de Jean Bouin lors de ses derniers mois de présidence. Comme Mick Jagger après s'être fait changer le sang en Suisse, Max était revenu au top. Il affichait une mine resplendissante, un teint hâlé et des traits d'éternel jeune homme. Il était sans doute revigoré par son tout dernier projet : devenir président de la Ligue Nationale de Rugby. Une candidature mal vue par certains membres du comité directeur. Il faut dire que quand ton seul soutien affiché s'appelle Mourad Boudjellal, ça la fout mal...

Alors que j'observais tout ce petit monde, je reçus un coup de fil de mon mentor, Renvoi Profond.

"Allo RP ? Hey merci pour la place en présidentielles, y'a plein de stars ici !"

- Pour les mondanités, tu repasseras petit. Tu es ici en mission.

- Ouais je sais. Mais t'inquiète je vais pas trop me bourrer la gueule et bien regarder le match, tu sais j'ai l'habit...

- On s'en fout de ce match. Tu crois vraiment qu'on t'a fait venir ici pour ça ? Tu es ici pour toute autre chose.

… quoi ?

- Gillian Galan, tu vois qui c'est ?

- Oui, le troisième ligne toulousain qui ressemble à Kubiac dans Parker Lewis. Et qui a le même prénom que l'actrice qui joue Scully dans X-Files.

- Il est jeune, il est bon, il joue à Toulouse... inutile de dire que le comité de sélection s'intéresse beaucoup à son profil. Seulement voilà, son slip, ce n'est plus possible.

- Pardon ?

- Tu sais, cet horrible slip rose du Stade Français qu'il porte constamment. Je sais pas comment il choisit la taille de ses shorts, ou si c'est un espèce d'exhibitionniste pervers, mais il trouve toujours le moyen de montrer son cul pendant 80 minutes, et ça peut plus durer.

- Ah et c'est ça le grand problème actuel du rugby français ?

- Le rugby a une certaine image tu sais. Les Valeurs, tout ça. Les beaux gosses dans les calendriers. On peut pas laisser un mec montrer son slip rose en prime time un samedi soir. On court à notre perte. Il faut mettre fin à ça tout de suite, histoire d'être certain qu'un drame n'arrivera pas si un jour il se retrouve sélectionné. Alors rends toi dans les vestiaires, vole lui son slip et brûle le.

- …

- Allo ?

- … C'est une blague ? Vous m'envoyez pour kidnapper un slip ?

- Parfaitement.

- Le rugby français va plus mal que ce que je pensais.

- Mais le rugby français te paye, alors tu vas faire ce qu'il te dit.

- Mais comment ? C'est complètement débile.

- T'es plus un super héros, Avale Masquée ? Si ? Alors tu devrais pouvoir faire ça facilement, non ?

- …

- Allez, j'ai du boulot moi. Bonne chance. Ah oui et quand tu auras trouvé le slip, renifle le si tu veux, mais par pitié ne le porte pas en dessous de tes collants et débarrasse toi en après. Je sais que t'as des mœurs bizarres alors je préfère prévenir. Ciao.


Puis il raccrocha. C'était débile, mais comme il me l'avait si bien rappelé, j'étais là pour faire ce qu'ils me demandaient, et mon frigo commençait dangereusement à manquer de bières. J'étais donc dos au mur, obligé de trouver une solution pour m'infiltrer dans les vestiaires et m'emparer de l'objet du délit. J'attrapai une coupe de champagne pour me donner du courage, et je descendis au niveau de la pelouse. Grâce à mon pass, je pus me promener à loisirs dans les coulisses du Stade de France. Mais devant la porte du vestiaire toulousain se tenait un grand black costaud avec une oreillette, un peu comme les gardes du corps du président dans les séries américaines. En fait, après l'avoir regardé de plus près, je reconnus Yves Donguy, qui avait visiblement enfin trouvé un moyen de se rendre de nouveau utile au Stade. Je lui demandai poliment « Pierre Jean-Christian, FFR, puis-je entrer dans le vestiaire ? ». Il me répondit en me riant au nez. « La FFR ? AHAHAHA ! Ici c'est le Stade Toulousain mec. Le plus grand club de toute la galaxie. La FFR n'a rien à faire chez nous. Rien ! On ne vous doit rien, tu comprends ? ». Puis il leva son poing en l'air et cria « MORT AUX DOUBLONS ! LE DOUBLE EST IMPOSSIBLE ! ». Il n'y avait clairement rien à faire de plus face à un tel fanatique, sans doute embrigadé par Guy Novès dès son plus jeune âge.

Je décidais donc de m'engouffrer plus loin dans les couloirs du stade pour chercher une solution. Comment procéder ? M'infiltrer dans une grille d'aération ? Me faire passer pour Nicolas Vergallo ? Ou pour un entraîneur du Stade ? Après tout, Jean-Baptiste Elissalde réussissait bien depuis 2 ans.

Pendant que je cherchais le plan parfait, je continuais d'avancer et finis par me trouver devant une nouvelle porte, sur laquelle était simplement inscrit « privé ». Intrigué, je décidais de la pousser... et me retrouvais nez à nez avec les danseuses du Crazy Horse, en pleine séance d'essayage. Je restais planté sur place pendant 5 bonnes secondes (ou peut-être 5 ou 6 minutes, en fait) avant de me prendre une chaussure en pleine gueule et de refermer la porte, des étoiles dans les yeux. C'est alors que je suis tombé sur un type blond, avec un brushing impeccable et une veste scintillante. Encore sous le choc de ma précédente découverte, je crus d'abord qu'il s'agissait de Dimitri Szarzewski. Puis je me suis souvenu qu'il avait troqué les paillettes contre les pulls en cachemire noués autour du cou. En fait, c'était un sosie de Claude François, qui était là pour préparer le grand spectacle d'avant match, en hommage au chanteur disparu en changeant une ampoule dans sa baignoire. Comme quoi dans ces moments là, on est bien contents d'avoir Jo Maso sous la main. Alors j'eus un flash. Soudainement je sus exactement ce que je devais faire. D'un splendide coup de pied retourné (bon en fait c'était juste une grosse mandale, je ne suis pas souple du tout), j'assommais le pauvre homme, qui n'avait pas eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait. Puis je le traînais jusqu'à un endroit isolé - un local à balais - avant de lui subtiliser ses vêtements et sa perruque. Oui c'était une perruque, moi aussi j'étais déçu, mais sur le coup ça m'arrangeait bien.

Je suis retourné devant la porte du vestiaire toulousain. Yves Donguy était encore là, immobile et en plein ennui, ce qui devait sans doute lui rappeler l'époque où il jouait ailier à Brive. Je décidais d'appliquer mon plan machiavélique.

"Bonjour, je suis Claude François."

- Essaye pas de m'avoir ! Il est mort. Je le sais j'ai vu Cloclo au ciné avec Virgile Lacombe l'autre jour, quand le reste de l'équipe est allé voir Batman et qu'ils nous ont encore oubliés dans le bus.

- Non mais je suis le sosie de Claude François, en fait.

- Et qu'est-ce que ça peut me foutre ?

- J'ai entendu dire que William Servat était un grand fan de variété française. Michel Delpech, Claude François, Jean-Luc Lahaye, Dave, tout ça...

- Ahah ouais c'est vrai ! A chaque fois il se met à chanter ça dans les vestiaires. Même que ça fait chier Florian Fritz qui préfère écouter Sexion d'Assaut lol.

Mon dieu, cet homme venait de prononcer lol à voix haute dans une conversation.

- Ben voilà, euh... comme je sais qu'il est fan, je voulais passer dans les vestiaires pour lui chanter une petite chanson ou lui signer une autographe. Vu qu'il va remettre les crampons aujourd'hui, ça lui fera bien plaisir et ça lui donnera du courage ! Tu crois pas ?

- Ouais pourquoi pas... allez rentre ! Mais fais gaffe, t'as 5 minutes !


Enfin je pus pénétrer dans le Saint des Saints, le vestiaire du Stade Toulousain. Malgré ma tenue ridicule, personne ne fit attention à moi. Ils étaient tous plongés dans leur préparation d'avant match. Burgess s'empressait de sortir ses affaires de son sac, à toute vitesse, et envoyait tout valdinguer à travers le vestiaire. Ce qui agaçait terriblement Clément Poitrenaud, qui était en train de se recoiffer pour se prendre en photo sur instagram. Steenkamp donnait des coups de tête dans le mur – ce qui me parut bizarre vu qu'il n'était pas sur la feuille de match, mais je supposais qu'il valait mieux ne pas le contrarier. Guy Novès, lui aussi, avait son rituel d'avant-match. Méthodiquement, il répétait ses gammes, exactement comme un buteur : il levait ses trois doigts en l'air, encore et encore. Jean-Baptiste Elissalde, de son côté, était sur son téléphone et twittait ses photos de « Rugby d'avant », sans doute nostalgique de l'époque où tout le monde pensait qu'il était un demi de mêlée génial, et pas un mec sapé comme un flic de la BAC faisant le guignol sur le banc de touche chaque semaine. Enfin dans un coin, Yannick Nyanga lisait « Le gai savoir » de Nietzsche, probablement pour essayer de trouver des réponses à ses grandes questions existentielles, la plus grande pour lui étant probablement « Pourquoi les sélectionneurs ne me prennent-ils jamais ? ».

Je profitais de cette ambiance studieuse pour me faufiler près du sac de Gillian Galan. Le colosse blond n'était pas encore habillé, et il était en pleine discussion avec Gregory Lamboley, le papy des avants toulousains. Ni vu ni connu, je plongeais ma main dans son sac pour saisir l'objet du délit, cet affreux boxer « Blanche de Castille », qui avait vu tant de batailles et tant d'horreurs. Après l'avoir discrètement plongé au fond de ma poche, je me faufilais hors du vestiaire. Je n'avais plus qu'à annoncer ma victoire à Renvoi Profond.

- Allo RP ? Ca y est.

- Ca y est quoi ?

- Je l'ai.

- Hein ?

- Le slip de Galan ! J'ai réussi, je l'ai. Il faut que je le détruise, maintenant, c'est ça ?

- Ah ça ! Non tu peux le garder. Je me foutais de ta gueule en fait. J'ai parié avec Jo Maso que tu serais assez con pour le faire. Merci tu m'as fait gagner 20 euros.

- …

- Ben quoi, tu parles plus ?

- ...

- Allez, fais pas la gueule, c'est rien qu'un petit bizutage. Je suis sûr que tu t'es bien marré. Nous oui en tout cas.

- ...

- Allez, à plus petit, et n'oublie pas de m'envoyer ton rapport sur le match ce soir, c'est bien beau de jouer au super héros mais faudrait aussi voir à bosser de temps en temps. La bise.

- …


Finalement, je me décidais à retourner dans le vestiaire pour restituer son bien au pauvre Gilian Gallan. Je ressentis alors un sentiment étrange, mélange de honte et de fierté. Je m'étais fait avoir comme un bleu par RP, et j'étais encore passé pour un con. Mais d'un autre côté, je viens quand même de réussir à écrire une chronique de 5 pages sur l'histoire d'un vol de slip, ce qui est une prouesse au moins aussi virtuose et inutile qu'un drop de Felipe Contepomi.

Bonus :

- Pour ceux qui s'intéressaient vraiment au match (on sait jamais), le compte rendu d'Ovale est par ici.

Comme d'habitude, c'est vous qui choisissez la suite de l'aventure... D'où Ovale Masqué devra-t-il suivre France - Australie samedi soir ? Votez !
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  • floxv
    0 points
  • il y a 12 ans

Apparemment, c'est vraiment très dur de s'introduire dans le vestiaire du stade à l'extèrieur.
Mais au Sept deniers, même un poussin qui cherche les toilettes est capable de faire un check à Fickou!!

Bisous Ovale <3

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