Rugby. La journée pleine de valeurs du Rugby No Limit à Carcassonne
Le Rugby No Limit au contact de l'US Carcassonne pour favoriser l'insertion et l'intégration par le rugby.
Le Rugby No Limit, association d'insertion sociale et professionnelle par le Rugby, a passé la journée à Carcassonne en compagnie de l'USC et de ses espoirs.

Le Rugby No Limit, association d'insertion par le rugby des publics les plus défavorisés et dans le besoin, a passé la journée à Carcassonne de ce jeudi 2 décembre 2021, en marge du derby de Pro D2 entre l'US Carcassonne et l'AS Béziers Hérault. Le club audois, avec la participation et complicité de la Ligue Occitanie, se sont associés pour permettre à 20 membres du No Limit de jouer au rugby à toucher avec les espoirs carcassonnais, leur faire découvrir les coulisses du club, ainsi que rencontrer le pilier professionnel Thierry Futeu, d'origine Camerounaise, qui a quitté son pays pour aller jouer au rugby en Europe. Immersion et voyage avec le groupe.

Le Rugby No Limit tient à remercier chaleureusement Lucas et Léa d'Ovale Citoyen pour leur aide et présence tout au long de cette journée.

11h30

La journée débute au siège de la ligue Occitanie à Toulouse, en bas de la côte de Jolimont. Un repas est prévu par la Ligue avant le départ vers la cité cathare. Le vice-président de la Ligue Occitanie Rugby (LOR) M. Azpiroz, tenait à effectuer un discours aux joueurs du No Limit. Après quelques poses devant les différents trophées à la salle de réception, les Rugbymen montent dans le bus prêts à affronter les espoirs audois. Quelques-uns des accompagnants s'attendent à ce que certains du No Limit tirent leur épingle du jeu et impressionnent leurs adversaires. Tarek, Hanry, Jean-Thibaut, Abou, sont attendus au tournant.



12h30, départ (en retard) 

Quelques hésitations se laissent ressentir quant aux places à choisir dans le bus. Pauline, Campus 2023 pour travailler dans le sport, et en alternance avec le Rugby No Limit, qui a organisé la journée, invective les participants : "Alors, vous êtes trop sages pour ne pas aller au fond du bus ou quoi ?". Il n'en fallait pas plus pour toucher l'orgueil de chacun. Mouvement général amorcé vers le fond du bus. Fardin, réfugié Afghan, veille depuis la toute dernière rangée. 

12h55, A61

Le bus enfin à son rythme de croisière sur l'autoroute, et parmi le bruit du moteur et des climatiseurs en guise de fonds sonores, on y percevait une voix particulière. “Depuis quand les chauffeurs de bus écoutent Radio Classique ?”. Il s'agissait en fait de Jean-Thibaut, qui depuis le fond du bus improvisait sur un air d'opéra. Du haut de ses 16 ans, lui d'origine Camerounaise, s'avérait être un redoutable baryton/ténor. Chanteur au Cameroun depuis tout petit, il souhaite désormais pouvoir s'exercer en France dans une chorale. Le No Limit a-t-il dans ses rangs le futur Roberto Alagna ?

 

Arrivée 13h50 Cité

On se les pèle à Carcassonne. Le froid hivernal couplé au vent violent congèle la délégation. On sera à l'abri à l'intérieur de la cité. L'architecture fait l'unanimité du groupe. Il y a en fait des appels d'air dans la cité. En montant vers le château, on passe devant une statue du pirate Jack Sparrow. Certains soulignent à juste titre que c’était compliqué de prendre la citadelle avec un bateau à l’époque (ça passait pas sur le canal du midi ?). Jean-Thibaut tient quand même à poser devant l'effigie du personnage. On est venu pour voir des chevaliers, on a vu des pirates. 

Un immense merci à Michel Dupuy, ainsi qu’à la Cité de Carcassonne de nous avoir offert la visite.

14h10, le château est pris

Nous sommes enfin dans le château. Momin, palestinien, parle de randonnée et de châteaux cathares. Début de visite sympathique où l’on découvre la cité en miniature, les tours et leurs meurtrières, quelques salles de vie commune de l’époque. Et c’est alors qu’un homme armé d’une caméra s’approche de nous, et commence à nous filmer. L’équipe de l’émission “Rugby Magazine” de France 3 vient d’arriver. 

14h28 (environ)

Je reconnais Hélène Macurdy derrière son masque : ”Ah c’est vous la commentatrice des U20 sur la 4 ?”. C’est elle, en chair et en os. C’est peut-être la première fois que quelqu’un la reconnait. Elle décide d’interviewer Momin et de lui poser des questions, sur le No Limit, son parcours personnel, et ce que lui apporte le rugby. Momin le plus toulousain des Palestiniens. 

15h11 (environ aussi)

Karim, alternant au No Limit, et Aubert, en recherche d’emploi dans les espaces verts, discutent et débattent de l’existence des catapultes. Moi de toute façon, je ne jure que par les Trébuchets et leur ingénieux système de contrepoids de 90 kg.

16h00, départ vers le stade

 La visite se termine et nous partons vers le bus direction Albert-Domec. L’équipe de France 3 nous accompagne et constate la motivation de l’effectif avant d’affronter les espoirs carcassonnais. Avant cela, nous allons visiter l’enceinte de l’USC, et rencontrer le pilier Thierry Futeu, originaire du Cameroun et réfugié en 2014, venu en Europe pour jouer au rugby. 

16h11 (précis), arrivée chez les Domec

Nous sommes accueillis par Alain Macchion, président de l’association de l’USC, et Yassine Nammassi, responsable scolaire du centre de formation de l’équipe. On nous dirige vers la salle de vie, qui était à la base la permanence du concierge du club. La salle laissée vacante suite au départ à la retraite de ce dernier, Yassine nous explique que lui et des membres du club l’ont rénové pour en faire un lieu de vie. Cette approche artisanale semble à des années lumières des différentes rénovations que l’on a en tête au Stade Toulousain. Carcassonne est en fait le plus petit budget de Pro D2. Le club semble effectivement être plus humain pour des confirmés du rugby comme moi, Karim, Pauline ou Aubert, mais terriblement professionnel et incroyable pour les initiés du No Limit. Je vois les étoiles dans leurs yeux lorsque ceux-ci découvrent le stade Albert Domec, sa pelouse et ses alentours. 

16h24 (re)

Nous sommes au local du club, et nous attendons Thierry Futeu. L’équipe de France 3 est prête à dégainer son matériel dès l’arrivée du joueur. Moi je profite des boissons mises à dispositions pour me désaltérer, et en profite pour sortir quelques blagues vaseuses à droite à gauche. 

16h31

Soudain, un mastodonte déambule vers nous, coiffé d’une casquette de NBA : le rempart de Carcassonne est arrivé. Hélène se précipite pour l’équiper d’un micro (c'est là que le professionnalisme se fait ressentir), et toute l’assemblée se tait pour écouter le bonhomme. Parce qu’il a des choses à nous dire. Son départ du Cameroun, sa volonté de faire du rugby un métier, son arrivée d’abord au Maroc, puis son transit vers l’Espagne. J’apprends qu’il a commencé à jouer au rugby à 13 (il n’aurait pas été dépaysé dans l’Aude), dans une équipe avec pas mal de policiers s’il vous plait, puis le 15 dans le championnat espagnol. Il devient international avec les ibériques et joue le 6 nations B, puis arrive au Stade Français en 2019. Il connaît des complications à Paris (il ne précise pas lesquelles, peut-être n'a-t-il pas voulu se mouiller politiquement auprès de la municipalité). Il arrive enfin à Carcassonne en 2020.

(mettez les sous-titres)

16h36

L’ambiance dans la salle est pesante. On entend les mouches cligner des yeux. Tout le monde est hypnotisé par le témoignage poignant de Thierry. Lorsqu’il termine de parler, Maxime, fondateur du Rugby No Limit, interpelle nos deux Camerounais Hanry et Jean-Thibaut, pour qu’ils posent des questions. Je leur avais déjà expliqué avant le départ qu’ils seraient amenés à échanger avec Thierry. 

16h37

Hanry et Jean-Thibaut prennent la parole, l’atmosphère est encore plus pesante et l’assemblée respecte un silence de cathédrale. Nous ne sommes pas au Thomond Park de Limerick, mais bien dans la salle de vie commune du Stade Albert Domec. Cet échange estomaque. Des nœuds au ventre se créent. Nos deux Camerounais sont extrêmement timides et montrent un énorme respect envers celui qui vient de devenir, leur nouveau symbole de réussite. 

17h, départ vers entrainement 

Il faut reprendre ses esprits et se mobiliser pour l'entraînement. Nous partons pour affronter les espoirs de Carcassonne, face à qui nous ferons un toucher. Les No Limit se prennent pour des joueurs de rugby le temps du trajet. Nous arrivons sur place, la nuit est tombée, il fait encore plus froid que tout à l’heure. Je ne sens plus mes mains. C’est super pour prendre des photos et vidéos.

17h38

Tout le monde se change dans les vestiaires. Short et maillot blanc (offerts par Ovale Citoyen), je trouve qu’on ressemble un peu trop à l’Angleterre. Je me rappelle que Toulouse joue tout en blanc à l’extérieur donc ça va. On se prend le vent en pleine poire, je l’insulte de toutes les injures que la langue française comprend. Je vois Hanry être interviewé par Hélène. J’immortalise le moment, ainsi que l’échauffement collectif qui suit. Je sens que tout le No Limit est impliqué et concentré, prêt à jouer. Les Espoirs jouent le jeu et ne se la racontent pas. Bel esprit ©.

17h45

J’ai envie de jouer avec les copains. Je prends quelques stories et photos/vidéos, je confie mon appareil à un joueur de Carcassonne. Je pensais qu’il allait prendre des photos de son cul ou de ceux de ses coéquipiers. Je suis déçu qu’il n'ait pris que des portraits de ses coéquipiers et des actions de jeu. Ils sont trop sages ces joueurs.

18h12

Il n’y a évidemment pas de match. Les Espoirs vont beaucoup plus vite. Ceci dit, je trouve notre défense en place et on s’en sort bien. Nous sommes des manchots avec le ballon en comparaison. Cependant nous avons tout de même réussi à réaliser une redoublée ! Cramée à des kilomètres mais réalisée quand même. Alors que toutes nos espérances s’envolaient, que le froid glaçait nos ardeurs, soudain, surgit de la pénombre, le seul, l’unique, le magnifique Aubert. Telle la foudre qui frappe sans prévenir, il réalisa une interception d’une passe du 10 adverse, digne de Romain Ntamack face aux gallois en 2020, et s’en alla marquer l’essai. Qui d’autre que lui pouvait réaliser pareil geste technique, et abasourdir nos adversaires audois ?  

18h20

“Bon on va mélanger les équipes !”. Enfin une lueur de conscience. Les oppositions sont nettement plus intéressantes. Les Espoirs font participer les No Limit au jeu. Jean-Thibaut sort son épingle du jeu, et surprend beaucoup de carcassonnais. Abou, 2m 100 kg et qui taille 50, a évidemment du mal à ne pas foncer dans le tas. Je suis en basket et à chaque fois à deux doigts de me casser la figure. Tout le monde s’amuse quand même. L’essentiel c’est les trois points, mais l’essentiel ce soir c’est aussi de s’amuser.

19h30

Fin des oppositions. Tous en cercle pour se féliciter d’avoir glissé, d’avoir intercepté, d’avoir couru (quelques secondes car au-delà c’était la fatigue). Ils sont sympas ces espoirs. J’ai nommé affectueusement un des leurs qui est belge, “Vincent Debaty”. N’empêche qu’il a plus de technique que moi. 

(première fois de ma vie que 3 filles s’apprêtent en même temps à me rentrer dedans)

19h50, trajet vers le match

Maintenant que nous avons bien joué, nous partons casser la croûte au Stade. Tout le monde est satisfait de l'entraînement. En arrivant dans la salle, des pizzas, chips, boissons sont arrivées comme par magie sur les différentes tables. Enfin un repas diététique à la hauteur des joueurs professionnels que nous sommes ! Personne ne prend des carottes bizarrement. 

20h35

Peaux de nos ventres bien tendus, direction les tribunes pour le match. Et quelle affiche. Carcassonne-Béziers. Le match au sommet de la Pro D2 ce jeudi soir. Il pleut, il vente, donc autant accompagner le match d’une bière. Thierry Futeu est remplaçant. Pardon finisseur. Avec Christian Labit comme entraîneur ça peut quand même porter à confusion. Dommage que Yonel Beauxis ne joue pas pour l’ASBH. 

21h07

Béziers semble plus solide que son adversaire, et le score est serré. C’est un peu le Montpellier de Jack White, sans les Sud-africains. Je me doute qu’ils n’ont pas internet là-bas s’ils en sont encore à prendre pour modèle ce type de jeu. 

21h30

9-9 à la mi-temps. Carcassonne a joué à la main, Béziers fait confiance à sa conquête. D’ailleurs avec Aubert on s’amuse à crier pour les Biterrois. Avec mon manteau “USAP”, je ne sais toujours pas comment j’ai survécu au match. Karim nous rappelle qu’une défaite serait synonyme de réception d’après-match sans ambiance. “Finalement c’est pas trop mal Carcassonne qu’est-ce que t’en penses ? Belle équipe, un super staff, un public avec une ferveur extraordinaire. Non franchement allez Carcassonne quoi”.

22h08

L’ailier de Béziers défend comme Teddy Thomas et les audois parviennent à marquer deux essais en deuxième mi-temps. Les rouges et bleus ratent toutes leurs touches en fin de match. C’est bizarre parce que leur talonneur avait un nom de famille portugais. Thierry rentre juste avant l’heure de jeu. Ovation de la tribune du No Limit. J’imagine quand le stade entier s’est demandé “tiens il est si bon que ça Futeu ?”.

22h11

“Titi Futeu aka le Rempart de Carcassonne prend le ballon et, et… se fait retourner”. Déception visible pour tout le No Limit. “C’est un scandale !” S’écrit Yamin. “Remboursez !” demande Moad. Non en fait la moitié n’avait pas réalisé que c’était Thierry. Ce dernier se rattrappe remarquablement sur les mêlées suivantes en retournant son vis-à-vis. Béziers ne parvient pas à inverser le cours du match, et doit s’incliner. 

22h39

Belle victoire de Carcassonne. C’était un match plaisant. On nous dirige vers la réception d’après match dans un préfabriqué très bien climatisé. Je m’éclipse pour discuter avec Yassine qui nous a accompagné toute la journée. Il m’explique qu’il a lui-même été international Marocain à 42 reprises. Initialement joueur à Carca, il est finalement parti à Agen pour un salaire plus élevé (on aurait tous fait pareil, le rugby pro ça ne dure pas 30 ans). Là où le club est fort aujourd’hui, malgré son petit budget, c’est de fidéliser ses joueurs. “C’est un club familial, dès qu’un joueur a un problème avec sa famille, sa copine, ses amis etc, on est là pour l’accueillir”. J’aime bien cette manière de procéder. Un club avec de si petits moyens et pourtant si généreux pour l’accueil. 

22h51 

La fatigue se fait ressentir au repas. Mais tout le monde est heureux. René Bouscatel, Thierry Lacroix, nous font l’honneur de leur présence. Non pas du tout ils sont juste venus voir Christian Labit. Une fois de plus, le repas est super. Évidemment tout le monde attend Thierry Futeu. Yassine nous rassure “vous inquiétez pas c’est toujours le dernier à sortir de la douche”. On a le temps d’aller faire la vaisselle quoi.

23h14

ENFIN Thierry arrive. Il vient nous voir en premier : “c’était bien le match ?”. Oui surtout quand t’as pris un cul c’était énorme. Non je suis mauvaise langue derrière mon clavier. En plus je sais qu’il me soulève avec le petit doigt. 

23h30

Fin du repas, retour à Toulouse. Ce fut vraiment une journée sympa. Je ne sais pas quoi retenir de plus marquant, entre le solo ténor de Jean-Thibaut, le témoignage de Titi, l’interception d’Aubert, le cul du match. Avouez que c’était un super plaquage quand même.

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  • etutabe
    50467 points
  • il y a 2 ans

Des articles comme celui-là j'en redemande. Plein de bonnes choses pour l'Asso

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