6 Nations. Angleterre. Eddie Jones, Saracens, les raisons de la baisse de régime du XV de la Rose
Owen Farrell est dans l'œil du cyclone également.
Les Anglais sont tombés face à l'Ecosse. Excepté la défaite, c'est la manière qui a interpellé et outre-Manche on demande du changement.

On la sentait venir. Et pourtant, on se demandait jusqu'où, ou plutôt quand, cette équipe anglaise, timorée, sans génie allait bien pouvoir tenir et faire illusion. Car ne nous y trompons pas, depuis cette finale de Coupe du Monde 2019 perdue face à l'Afrique du Sud, dans les travées du stade Yokohama, les hommes de Sa Majesté sont sur la pente descendante, comme un déclin inévitable pour une génération qui semble tirer la langue, à bout de souffle, en recherche de nouveauté. C'est un fait, aujourd'hui le XV de la Rose ne pique plus. Ses victoires dans le VI Nations ou l'Autumn Nations Cup ne sont que l'arbre qui cache la forêt d'un chantier colossal. Car lors du précédent Tournoi, sans l'inattention d'un Antoine Dupont qui offrait un bonus défensif inespéré aux Anglais, ces derniers se seraient contentés d'une deuxième place derrière des Bleus revigorés. Le couperet est passé encore plus près en novembre dernier, lorsqu'en finale dans un Twickenham clairsemé, les hommes d'Eddie Jones poussés dans leurs derniers retranchements, ont arraché in-extremis la victoire au bout des prolongations, au nez et à la barbe d'une équipe de France expérimentale dans la dramaturgie la plus totale. Là encore, les Anglais avaient montré des signes inhabituels de faiblesse, entre la mire déréglée d'un Owen Farrell souvent impérial, et l'incapacité à changer un plan de jeu inefficace.

Samedi dernier, nous français nous sommes pris de passion pour cette victoire écossaise en terre anglaise, 38 ans plus tard. Presque plus que celle de nos Bleus face aux Italiens qui était attendue. Et pourtant, parler d'exploit semblait démesuré tant on avait pu la voir venir à des kilomètres à la ronde. L'Ecosse progresse depuis quelques années, n'a plus rien à voir avec le XV du Chardon d'il y a 10 ans, capable entre autre désormais de rivaliser devant, son gros point noir de l'époque. Son incapacité à marquer lors des temps forts lui fait encore défaut, et l'écart aurait pu être bien plus grand sans que cela n'aurait choqué personne. À contrario, depuis un an l'Angleterre patauge et ne progresse plus. Alors, comment expliquer cela, et quels sont les réactions aujourd'hui outre-Manche ? 

Eddie Jones pointé du doigt, un plan de jeu décrié

Forcément, les médias anglais n'ont pas manqué de critiquer le sélectionneur Eddie Jones, qui ne semble plus en mesure de faire progresser son équipe. À commencer par Clive Woodward. L'ancien sélectionneur de l'équipe championne du monde en 2003 n'y est pas allé avec le dos de la cuillère : ''l'Angleterre a été inexplicablement mauvaise. C'est la pire équipe anglaise que j'ai vu. Eddie et la Fédération anglaise peuvent se targuer d'un 6 Nations et d'une Coupe d'Automne des Nations, mais de l'extérieur, tout le monde peut voir que l'équipe a du mal avec son identité. Le score est flatteur pour l'Angleterre, elle était loin d'être aussi proche. Ne vous y trompez pas, ce fut un énorme revers pour Jones et l'équipe.'' Un avis partagé par Lawrence Dallaglio dans le Sunday Times, l'un des hommes de base de Woodward lors du titre de 2003. L'ancien numéro huit s'en prend à l'ensemble de la sélection anglaise : ''Quelle que soit la cause, il faut régler le problème rapidement parce que c'était grave. Ce n'est pas moi qui suis trop critique, tout le monde a pu le voir. L'Angleterre avait l'air désemparée, pas seulement sur certains moments, mais sur l'ensemble du match.'' Avant de fustiger l'état d'esprit de l'équipe : ''Les joueurs doivent se regarder longuement et attentivement et trouver des réponses. J'ai senti qu'il y avait un problème d'état d'esprit. L'Angleterre n'avait rien de comparable avec l'envie écossaise.'' 

6 Nations. Mike Brown veut George Ford à la place d'un Farrell ''médiocre''6 Nations. Mike Brown veut George Ford à la place d'un Farrell ''médiocre''

Un problème d'état d'esprit certes mais pas seulement. On le remarque, les Anglais possèdent dans leurs rangs des joueurs virevoltants, capables d'étincelles. En sélection, ils semblent jouer contre nature, avec un plan de jeu bien établi, basé sur de l'occupation par du jeu au pied, ou de la pression toujours par le biais du pied. Problème, si cela a pu fonctionner un temps, les équipes semblent s'être adaptées à cette stratégie. Qui plus est que lors de la rencontre face à l'Ecosse, celle-ci a été mal exécutée, entre chandelles trop longues ou jeux au pied d'occupation inadaptés. C'est d'ailleurs ce dont s'est plaint Mike Brown, ancien arrière de l'Angleterre dans les colonnes du Daily Mail : ''L'Angleterre a quelques trois-quarts brillants et il serait temps de les utiliser. Je n'aime pas regarder des coups de pieds tout le temps et je suis sûr que les gens non plus. Eddie Jones doit revoir son plan de jeu et faire place à la créativité. Des arrières comme Jonny May, Henry Slade ou Anthony Watson peuvent être insaisissables.'' Avant de demander la tête d'Owen Farrell au profit de George Ford : ''Le week-end prochain, je mettrais Owen Farrell sur le banc et commencerais avec George Ford contre l'Italie. Par rapport à ses standards élevés d'habitude, Farrell a été médiocre. Je donnerais à Ford une chance de montrer comment il peut conduire la ligne d'attaque derrière.'' Sera-t-il entendu ? Pas sûr. Eddie Jones continue de faire confiance à son capitaine. C'est ce qu'il déclarait pas plus tard qu'hier : ''Il a été un joueur très constant et performant pour nous. Comme beaucoup de joueurs samedi, il n'était pas à son meilleur niveau. C'est un joueur exceptionnel et comme tout joueur exceptionnel, il peut passer à côté d'un match. Est-ce une raison pour l'abandonner ? Je ne pense pas.'' Voilà qui semble clair. Cependant, le débat pour le numéro 10 en Angleterre continue de faire rage, certain réclamant Joe Simmonds, brillant avec son club d'Exeter. Idem pour son frère Sam, numéro huit que la plupart aimeraient voir à la place d'un Vunipola sans inspiration samedi dernier. Les absents ont toujours torts dit-on. 

Les Saracens à l'arrêt, lien de cause à effet ? 

Outre ce plan de jeu réducteur, d'autres circonstances nous font penser que les Anglais piétinent. La première vient des Saracens. Principal pourvoyeur de la sélection nationale, le club a été relégué cette saison en deuxième division anglaise suite au non-respect du Salary Cap. Afin de prouver leur attachement au club, Farrell, les frères Vunipola, Itoje, George ou encore Daly ont décidé de rester au sein de la formation triple championne d'Europe. Problème, le Championship n'a toujours pas repris, et l'ensemble de ces joueurs n'ont plus disputé la moindre rencontre depuis le 6 décembre dernier et la finale de Coupe d'Automne remportée. Une éternité quand le reste des joueurs des autres nations se frottent aux joutes européennes et nationales. Seul Billy Vunipola a participé à une rencontre lors de la défaite des ''Sarries'' face aux Ealing Trailfingers. Si Eddie Jones a maintenu à maintes reprises que cela ne poserait pas problème, on peut se poser la question de savoir si cela n'a pas impacté son équipe. Ses cadres étaient certes reposés, mais sûrement en manque de rythme pour se frotter aussi rapidement au niveau international. 

WTF - Pour leur premier match à l'échelon inférieur, les Saracens s'inclinent d'un point contre Ealing !WTF - Pour leur premier match à l'échelon inférieur, les Saracens s'inclinent d'un point contre Ealing !

Autre problème soulevé, l'absence des piliers gauche et droit, Kyle Sinckler et Mako Vunipola, membre incontournable du pack du XV de la Rose. Sûrement des absences de poids quand on voit que les anglais se sont fait bouger notamment devant. Pour Dallaglio, il ne faut cependant pas prendre cela comme excuse : ''Bien sûr, il manquait des joueurs clés. Mais ce n'est pas une excuse après une performance pareille.'' L'Angleterre tentera de se rassurer en recevant l'Italie. Si cette rencontre devrait être une formalité, le reste du parcours des Anglais sera scruté de près. Loin de nous l'idée d'enterrer une équipe qui va sûrement réagir après une telle déconvenue. Mais il sera intéressant de voir leur réaction. 

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  • LaKiks
    21494 points
  • il y a 3 ans

Jones a annoncé après la coupe du monde qu'il resterait sur un plan d'attaque simpliste jusqu'à 2021 pour éviter que les autres nations puissent le décortiquer et le contrer avant la coupe du monde 2023.
Alors quelque part j'espère que c'est effectivement lui qui est en dessous et qu'il n'est pas le génie du rugby qu'on décrit, malheureusement vu ce que les anciens joueurs anglais en disent (même ceux qui ne l'aiment pas) je crains qu'il soit plus que capable de redresser la barre sans problèmes.
Pour l'instant, il fait exactement ce qu'il a décrit. Une défense solide et une attaque simpliste... mais n'oublions pas la branlée tactique qu'ils ont mise aux Blacks en 2019, elle n'est pas arrivée par hasard et les prendre de haut risque de nous coûter cher.

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