ANALYSE. Comment Toulouse a entourloupé la défense rochelaise sur l'essai de Mallia

On le sait, le Stade Toulousain est sur le toit de l'Europe pour la cinquième fois depuis le début de la compétition. Le club rouge et noir est donc le plus titré à ce jour. Ce samedi, les supporters ont pu assister à un match de haute intensité entre les deux clubs français. Malgré le carton rouge de Levani Botia, la défense rochelaise ne s'est jamais réellement faite déstabiliser par les charges toulousaines. Revenons sur l'essai de Juan Cruz Mallia, à la 60e d'un match mené à ce moment-là 17 à 12 par les hommes d'Ugo Mola. 

Durant les deux possessions précédentes l'essai, les Toulousains se sont séparés du ballon par Cheslin Kolbe et Romain Ntamack. Les deux fois après avoir choisi de jouer dans le même sens, obligeant les Rochelais à se redistribuer dans ce même sens de jeu. Le triangle de derrière des Rochelais ne s'est jamais fait prendre par ces choix. Comme toutes les équipes d'aujourd'hui, les Rochelais défendent avec les deux ailiers sur le premier rideau, permettant une densité parfaite et surtout à l'ailier opposé de l'action de faire le repli dans sa zone. 

Feinte dans le sens

Après avoir fait un aller dans le sens de jeu, les Toulousains décident de faire un point au centre du terrain avec Faumuina. Le choix de continuer dans le même sens semble logique, mais Romain Ntamack décide de vite revenir sur ses pas. On peut voir les avants Rochelais qui se redistribuent dans le sens de jeu, en se basant sur la course initiale de Ntamack.

Pendant que son coéquipier joue son duel, l'ouvreur international change de sens et Antoine Dupont le voit. Derrière, ses coéquipiers se sont replacés en profondeur pour jouer l'action à 100 %. Les soutiens les plus lents (ceux qui viennent de se relever d'une phase de combat), restent à plat afin de proposer une solution de repli (point de fixation) à leur ouvreur. L'objectif de faire des points de fixation est de déstabiliser la défense. Sur celui de Faumuina, seul un joueur toulousain est concerné par le ruck puisque les Rochelais ne sont pas venus le disputer et ne l'ont pas ralenti en conséquence. 

Le renversement

Le déséquilibre est déjà fait au ras du ruck. Les défenses connaissent Antoine Dupont et s'obligent à resserrer sur lui. Alldritt revient rapidement combler l'intervalle ouvert et François Cros vient proposer une solution pour fixer ces défenseurs proches, et ainsi ralentir la défense glissée qui est commandée par ces derniers. 

On voit ici Arnold marcher sans réellement faire action de jeu. Il ne gêne pas tellement Pierre Bourgarit mais sa simple présence peut déstabiliser. De plus, les Toulousains sont face à des avants (Bourgarit, Liebenberg) et un seul arrière (Rhule) avec un Romain Ntamack lancé, Médard et Mallia dans le dos et Kolbe seul dans son couloir de cinq mètres.

Mauvaka, fausse alerte

Lorsque l'ouvreur toulousain a le ballon dans les mains, Peato Mauvaka se lance plein de conviction à hauteur de ce dernier. Bourgarit, qui avait pourtant fait le bon choix en glissant rapidement, se retrouve dans l'obligation de changer d'appui et de tourner ses épaules vers son vis-à-vis. Le mal est déjà fait.

De là, ce n'est qu'une réalisation parfaite de Romain Ntamack. L'ouvreur a déjà fait son choix avec un bel appel de Selevasio Tolofua, lancé dans le couloir des 15 mètres. Raymond Rhule ne peut rien faire, s'il glisse trop, les joueurs dans le dos (Médard et Mallia) peuvent s'engouffrer dans l'intervalle créé. 

Le ballon, flottant, passe au-dessus de Raymond Rhule qui ne voit pas où il va. On peut voir l'habituelle course d'Antoine Dupont, qui part rapidement intérieur de ses coéquipiers. Il sera très utile par la suite.

On peut voir ci-dessus que Rhule monte bien trop fort alors que la configuration de l'attaque lui demande de glisser et de contrôler. Mais ses épaules visent clairement Mallia, tandis que Médard est surveillé par Bourgarit. 

L'autre information est le triangle de derrière qui avec ce placement, donne trop de possibilités à Romain Ntamack. Pourtant, tout au long de la partie, les Rochelais ont verrouillé le champ des possibles chez le jeune ouvreur toulousain. C'est d'ailleurs pour cette raison que certains observateurs disaient de lui qu'il n'avait pas fait une grande partie. Ici, tout est possible lors de sa prise de balle : envoyer Mauvaka au ras, servir Médard ou Mallia, jouer au pied dans le couloir dans les 22 mètres, faire une passe au pied pour Kolbe. Mais il choisira le plus simple : envoyer son 8 lancé dans le couloir. 

Tolofua, le choix

Selevasio montre toute sa lecture du jeu et accélère dans son couloir, battant déjà les défenseurs sur la prise de balle. L'intelligence du numéro 8 est encore prouvée : il aurait pu choisir de servir Cheslin Kolbe à son extérieur, comme tous les rugbymen du monde. 

Selevasio Tolofua décidera d'aller jusqu'au bout de sa course pour servir son centre Juan Cruz Mallia, intérieur. Il pouvait éventuellement servir Cheslin Kolbe et le laisser gérer son duel. Mais tout se referme sur l'ailier et la course en poursuite de Rhule force le numéro 8 à choisir l'intérieur. En effet, il souhaite utiliser son bras gauche pour raffuter et tenir à distance l'ailier rochelais. 

Dupont, le leurre

Et c'est là que Dupont intervient. Tout le monde le sait d'ailleurs. C'est pour cette raison que Ihaia West anticipe le choix de Mallia en garant le petit prodige à l'œil. Depuis le début de saison, Antoine Dupont inscrit énormément d'essai de cette manière et les défenses n'anticipent que très peu ses courses. Mais on voit qu'il reste compliqué de gérer une trajectoire intérieure avec la vitesse des attaquants. Dupont ouvre la voie à Mallia qui ira inscrire un sublime essai à la 60e.