Aurélien, comme peu de gens te connaissent, peux-tu nous parler de ton parcours jusqu'à Oyonnax ?
J'ai commencé le rugby dans un petit village de Savoie qui s'appelle la Motte-Servolex. J'ai fait mes années école de rugby là-bas. Par la suite, nous n'avions pas assez de joueurs pour monter une équipe de bon niveau en cadets, donc je suis parti à Chambéry. J'ai joué en cadets et en juniors là-bas, puis j'ai arrêté le rugby, car le niveau dans lequel on jouait était trop élevé, et on perdait souvent donc j'en ai eu marre. Je me suis alors mis au judo pendant un an. À la fin de cette année, un pote m'a appelé et m'a motivé à revenir jouer en Bélascains à Chambéry.
Je suis revenu pour le plaisir d'être sur le terrain et finalement... nous avons terminé champions de France Bélascains ! Par la suite, j'ai intégré le groupe professionnel à Chambéry la saison d'après, avant de partir à Oyonnax pour jouer en Espoirs, notamment car l'entraîneur de cette équipe avait été mon coach au SOC. J'ai donc joué une saison complète en Espoirs, avant d'intégrer le groupe professionnel l'année dernière et de croquer quelques matchs. J'en suis à ma troisième année à Oyonnax.
Qu'est-ce que tu aimes à Oyonnax, car on imagine que tu ne restes pas pour le temps ?
Quand on aime bien la nature, il y a plein de choses ! La chasse, la pêche, les balades et surtout les copains ! Oyonnax, ce n'est pas grand, on n'habite pas loin les uns des autres donc on est souvent ensemble. On forme une belle famille.
Mais sinon, ce qui me fait rester à Oyonnax pour l'instant, c'est aussi mon contrat ! Car j'avais signé deux ans au départ et au milieu de ma première année, j'ai resigné mon contrat Espoir pour une année supplémentaire. Je suis donc sur ma dernière année de contrat. Aujourd'hui, je ne sais pas si je serai à Oyonnax la saison prochaine, mais je me plais bien ici. C'est un club très porté sur le jeu, le mouvement, la vitesse et j'apprécie.
Qu'est-ce qui peut être pire qu'un entraînement à Oyonnax en hiver ?
Franchement, je pense qu'il y a bien pire (rires). Aujourd'hui, on a le synthétique donc on n'est pas à plaindre. Pour ma part, j'ai été habitué à ces conditions lorsque j'étais à Chambéry.
« On a moins peur de jouer chez nous »
Aurélien Callandret face à Valence-Romans, match durant lequel il a inscrit un doublé. (Crédit photo : Jean-René Gagnon).
Venons-en au début de saison d'Oyonnax, quel est ton sentiment ?
Le bilan est mitigé... On réalise de bonnes performances à la maison, et à l'extérieur, on a du mal à démarrer. Mais bon, la saison est longue, ça va venir. Même si j'ai l'impression qu'on a moins peur de jouer chez nous. On tente plus de choses, on marque (2 bonus offensifs en 4 matchs, 18 essais).
Quels ont été les objectifs établis pour cette saison ?
Clairement, on ne va pas se le cacher, on veut monter...
Y a-t-il encore une certaine frustration de ne pas être monté la saison dernière (défaite en demies face à Bayonne) ou avez-vous basculé ?
On a totalement basculé. Il y a un nouveau plan de jeu, un nouveau manager, des nouveaux joueurs. C'est bien que l'on soit parti sur quelque chose de neuf. Maintenant c'est à nous d'écrire notre histoire.
« Ça ne laisse pas un bon souvenir... »
Pour en revenir à ton cas personnel, tu avais marqué un doublé en demi-finale au mois de mai dernier, avant qu'Oyonnax ne se fasse éliminer par Bayonne. Ce jour-là, quelle a été ta réaction?
Tu fais un sport collectif donc quand tu perds, tu es vraiment frustré. Cette frustration a clairement pris le dessus sur ma prestation personnelle. Les deux essais, c'était un petit bonus pour moi, mais perdre cette demi-finale de cette façon (24-28), ça ne laisse pas un bon souvenir.
Aujourd'hui, tu as réussi à basculer à l'image d'Oyonnax puisque tu es actuellement deuxième co-meilleur marqueur de Pro D2 à seulement 22 ans, qu'est-ce que ça te fait ?
Je suis très étonné. Je n'aurais jamais parié ça l'année dernière : le fait d'être parmi les meilleurs marqueurs (quatre essais), de jouer les six premiers matchs. Même si pour moi, ce n'est qu'une récompense secondaire, le principal, c'est que l'on travaille bien et que l'on arrive à monter à la fin de la saison.
Quatre essais c'est ton record en Pro D2 la saison dernière (en 9 matchs), ça semble bien parti pour le battre, non ?
Effectivement, c'est plutôt bien parti. Si je ne dépasse pas les quatre essais cette saison, c'est qu'il m'est arrivé quelque chose. Soit je me suis blessé, soit je ne joue plus.
Comment se passe la concurrence aux postes avec les autres ailiers (Codjo, Michel, Giresse) ?
Ça se passe très bien. Il n'y a pas vraiment de concurrence, c'est beaucoup plus de l'entraide entre nous. On se parle beaucoup pour savoir ce que l'on doit faire.
Un grand dix est parti (Botica), un autre grand est arrivé (Beauxis), même s'il n'a pas beaucoup joué pour l'instant (blessé). Botica et Beauxis, voire même Le Bourhis (également débarqué de Castres), ce n'est pas le même genre de profil. Est-ce que le jeu d'Oyonnax change dans ce cas et le tien également vis-à-vis de ça ?
Pour l'instant, Beauxis a vraiment très peu joué donc non, le style ne change pas. Pour ma part, j'ai également peu joué avec lui. Que ça soit Yohan (Le Bourhis) ou Lionel, je joue pareil. Même si pour l'instant, Beauxis est plutôt à la musculation pour donner des conseils... Mais forcément, c'est toujours un plus d'avoir un joueur aussi expérimenté dans l'équipe.
« Il serait bien que les entraîneurs changent leur vision du 7 »
Pour en revenir à ton parcours personnel, tu as fait également beaucoup de rugby à 7, qu'est-ce qui te plaît dans cette discipline ?
Le rugby à 7 est un rugby très prometteur. C'est une discipline qui peut former de très bons joueurs pour le XV, car elle est portée sans arrêt sur la vitesse et le mouvement. C'est également un excellent moyen de travailler sa technique de passe, sa vision de jeu, et il serait bien que les entraîneurs changent leur vision du 7.
Tu le disais, tu as croqué quelques matchs l'année dernière en Pro D2, mais tu as été aussi chercher du temps de jeu à 7 avec l'équipe de France (deux tournois à Hong Kong et Singapour), que retiens-tu de cette expérience ?
C'était une expérience énorme, car c'était la première fois qu'une équipe de France arrivait en finale à Hong Kong (ville considérée comme "La Mecque" du rugby à 7). Personnellement, comme je suis arrivé en pleine saison de rugby à XV, le passage au 7 a été dur physiquement, j'étais un peu à la rue. Et même avec une semaine et demie de préparation avant les tournois, tu ne peux pas rattraper ton retard. Du coup, sur la tournée, je n'ai pas fait un seul match en entier. Mais de disputer déjà une mi-temps ou dix minutes, je sentais que c'était vraiment dur.
Malgré tout, tu marques l'essai qui permet à la France de passer en finale face aux Fidji à Hong Kong, raconte-nous cette action, où tu n'as pas trop l'air serein d'avoir marqué...
L'action commence sur pénalité et comme je vois que c'est fermé en face, je prends de la profondeur pour faire la bascule. Au fur et à mesure, je vois que deux joueurs suivent le ballon et que deux autres attendent pour défendre le retour. Sur la passe de Stephen (Parez), un joueur samoan se jette sur lui, en le cabossant bien au passage, et derrière une porte s'ouvre donc je la prends. Ensuite, je suis à la course avec le libéro qui me reprend in-extremis et je marque. Mais clairement, sur le moment, je pense que l'essai n'y est pas. Je savais que j'avais aplati, mais je pensais être en touche. Ça a été un vrai soulagement quand l'arbitre a validé l'essai à la vidéo.
À 5'57, Aurélien Callandret inscrit l'essai qui propulse la France en finale du tournoi de Hong Kong.
Crédit vidéo : World Rugby.
Et puis derrière, une finale compliquée face aux Fidjiens...
On tient vraiment bien la première mi-temps. Et c'était encourageant, d'autant qu'à ce tournoi, nous étions 4 à ne pas être sous contrat (Gabin Villière, Julien Blanc, Antoine Zeghdar et moi). Donc en fin de tournoi, nous étions bien usés, car nous n'avions pas l'habitude. De plus, on commence la finale à 11, car JP ( Barraque) ne pouvait pas jouer, et Stephen Parez prend un KO rapidement. On perd donc des éléments forts. Derrière, la deuxième mi-temps est à sens unique. Ils marquent leurs deux essais, ils prennent l'ascendant et c'est terminé. Mais le score final n'est vraiment pas moche (21-7), on est loin des 50 points pris à Dubaï.
Un tournoi qui vous a tous marqués physiquement, puisque la semaine d'après, à Singapour, vous êtes passés à côté (9ème place)...
Forcément, nous étions un certain nombre à ne pas avoir l'habitude d'enchaîner. Donc la semaine qui a suivi, nous n'avions plus aucun jus. Il faut dire qu'on a disputé de très gros matchs à Hong Kong : Nouvelle-Zélande, Samoa et Fidji lors de la deuxième journée notamment.
Es-tu toujours en contact avec France 7 actuellement ?
Pas pour l'instant. Si jamais ils me recontactent, je ne dirais pas non. Mais aujourd'hui, je me focalise vraiment sur Oyonnax.
Le 7 peut-il être un objectif pour toi plus tard ou est-ce qu'aujourd'hui, tu te focalises uniquement sur le XV ?
Je n'ai pas vraiment d'objectif. Je ne me mets pas de barrières, je prends les choses comme elles viennent. Mais quand je regarde certains joueurs, je vois que c'est compliqué de repartir du 7. Ceux qui étaient sous contrat ces dernières années évoluent beaucoup en Fédérale 1 aujourd'hui (Lagarde, Berenguel, Mazoue, Daoudou, Clerc). Donc pour l'instant, je préfère rester à XV.
Que peut-on te souhaiter pour la fin de saison ?
Meilleur marqueur du championnat et la montée en Top 14 !