Où et quand as-tu débuté le rugby ?
J’ai commencé à cinq ans aux journées du sport dans ma ville de Vire en Normandie. Je voulais faire du foot comme tous les copains mais mes parents me l’ont interdit. Alors je me suis engagé dans un autre sport collectif.
Comment es-tu arrivé à Rouen ?
Je voulais essayer de faire quelque chose dans le rugby, de percer, c’était comme un rêve de gosse. Alors, en Juniors, quand je jouais encore à Vire, j’ai fait de nombreuses détections dans des clubs de Top 14 ou de PRO D2 : Bourg-en-Bresse, Lyon, Toulon, Massy, le Stade français, le Racing, Clermont, Bourgoin… Vraiment une bonne série de tests. Je jouais alors demi de mêlée et je n’ai reçu que des réponses négatives. Rouen m’a ensuite contacté, Richard Hill venait d’arriver. Ils ont recruté deux Normands : Simon Maillard (NDLR : également ailier, passé par Bayonne) et moi. On a rejoint le club au début du projet, en Juniors, puis en B tout en s’entraînant avec l’équipe fanion et j’ai obtenu en parallèle une licence en management du sport.
Donc tu es formé au poste de demi de mêlée ?
En effet, j’y ai même joué jusqu’en senior. On faisait plus de deux cent passes par jour avec Richard Hill. Mais ça ne marchait pas forcément à ce poste et il y a trois ans, le coach m’a fait basculer au centre. Sur un match à Nantes, je suis titulaire, ça se passe bien et à quinze minutes de la fin du match, il me décale à l’aile : je plante deux essais et depuis, je n’ai plus bougé. C’est l’année où je marque quasiment trente essais (NDLR : 26 essais en 23 matchs de Fédérale 1) et j’ai commencé au même moment l’aventure avec le sept.
Ton changement de poste t’as permis de progresser sur la vision du jeu ?
Quand tu es demi de mêlée, tu es concentré sur le jeu, ses différentes phases, les espaces libres et sur les mouvements de l’équipe adverse pour diriger l’équipe. J’avais une vision plus générale auparavant, le fait de m’excentrer m’a permis d’évoluer. Je dois désormais être focalisé sur le gain des duels, les un contre un, la défense homme à homme. Il y a moins de choses à penser, c’est différent et ça me permet d’avoir ces deux visions.
Tu as forcément moins de ballons pour t’exprimer, il faut donc être plus efficace ?
Quand on touche le ballon à l’aile, il faut faire la différence. Mais à Rouen, on a la chance d’avoir un jeu ouvert : les avants manient le ballon, les ailiers participent au jeu. Mon profil d’électron libre me permet d’être un peu partout et j’aime cette possibilité de pouvoir jouer autour de l’ouvreur et des centres.
Fabien Dorey (talonneur de Rouen) : Gabin a des qualités de duel incroyables, c’est également un très bon défenseur qui lit bien les intentions adverses. Il a un autre point fort : le grattage. En fait, dans toute la panoplie du jeu au contact, il est excellent. C’est un chasseur d’essais, capable de finir les coups ou de créer. Un conseil à lui donner ? Il faudrait qu’il lâche un peu son portable mais à part ça, ça va (rires). Il est évident que ses qualités vont nous être utiles pour jouer la montée.
Tu as commencé à intégrer le groupe France 7 lors de ton passage à l’aile. L’adaptation physique a-t-elle été difficile ?
C’était assez effrayant, je n’avais jamais encaissé une telle préparation. Le sept, je ne connaissais quasiment pas, je ne savais même pas qu’on pouvait faire des stratégies, ça a été une totale découverte. J’ai toujours eu une bonne endurance, pas forcément de la vitesse mais un bon moteur et ça m’a permis de m’adapter. Sur cette base, j’ai ensuite pu travailler le jeu au pied, la passe, la vision du jeu. Tant de choses qui me servent aussi à quinze. Pour moi, le sept est un réel accélérateur, à chaque action, il y a des choses décisives à réaliser.
Hong Kong 7s - L'exploit de Gabin Villière contre la Nouvelle-Zélande [VIDEO]Au début, ça a été un peu compliqué mais à force de faire des tournois avec France Développement ou les pros, à force de manger du sept, on s’y fait. J’ai senti que je commençais à prendre tout à fait confiance la saison dernière et surtout cette année. C’était assez troublant, je n’avais plus peur, je voulais y aller tout en sachant ce que je devais faire et en ayant confiance en l’équipe. Mais il m’a fallu du temps pour évoluer et atteindre le niveau attendu.
Tu arrives donc à combiner le quinze avec Rouen et le sept avec l'équipe de France ?
C’est une grande chance et une vraie source de motivation d’avoir ce double projet. Je débute la saison avec le RNR et à chaque fois que je reviens, j’ai l’impression de redémarrer quelque chose. C’est la même sensation lorsque je retourne au sept. Cela permet d’être toujours enthousiaste, de rester ‘’éveillé’’ et cela m’aide beaucoup à progresser.
Qu’est-ce que le sept t’apporte à quinze ? Et inversement ?
Le sept m’apporte beaucoup sur l’aspect technique : des passes plus longues, des situations différentes à lire, un meilleur cadrage défensif… Et inversement, tout ce que l’on travaille à quinze, on le retrouve à sept, notamment sur les rucks, le jeu au sol. Pour avoir un profil tout à fait complet, je pense que c’est l’idéal de pouvoir faire les deux.
Vous avez atteint deux finales de Cup consécutives, tu as été élu meilleur joueur du tournoi de Honk Kong, comment as-tu vécu ces moments historiques ?
C’était assez incroyable. Les joueurs sous contrat avec la Fédération bossent très dur et l’équipe a fait de bons tournois de début de saison sans réussir à s’imposer. Ça ne basculait pas en notre faveur mais il y a eu des choses très positives comme lors du premier jour à Vegas. Tous ceux qui jouent le savent : pas de résultats ne veut pas dire pas de travail. Gagner nous a permis de basculer sur du positif, de nous rendre compte que le travail paie. On veut maintenir cet engouement avec les qualifications pour les Jeux Olympiques en ligne de mire. Même si tous les matchs ne sont pas roses, qu’au sept ça peut basculer vite, on sait qu’on est capable de battre tout le monde et on l’a montré aux autres équipes et aux supporters. Il faut désormais continuer.
Quel est le principal point fort de la sélection ?
Une chose sur laquelle on s’est vraiment retrouvé et notamment à Vancouvert, c’est la défense. On est tous des chiens, on s’envoie les uns pour les autres. Alors que c’est un secteur très dur à gérer dans cette discipline. Face aux USA, on prend un seul essai quand on en marque plusieurs ! Je pense donc que c’est sur cet aspect, sur les valeurs défensives, lesquelles montrent notre caractère. On peut même ‘’reposer’’ notre attaque sur notre défense, elle nous permet de contre-attaquer, de marquer des essais à zéro passe.
The @HSBC_Sport Dream Team for #HK7s is:
— World Rugby Sevens (@WorldRugby7s) 7 avril 2019
Tofatu Solia ??
Tavite Veredamu ??
Meli Derenalagi ??
Jerry Tuwai ??
Gabin Villiere ??
Carlin Isles ??
Johnny Vaili ?? pic.twitter.com/BVKN9mS4is
Passons au quinze, qu’est-ce que cela représente pour toi de jouer à Rouen ?
C’est une grande fierté de pouvoir participer à ce projet. Et c’était d’ailleurs assez inespéré il y a encore quelques années. C’est réel désormais, on commence à parler de Rouen et il y a encore ce projet de montée en PRO D2 à réaliser. C’est bien d’en parler, il faut maintenant y arriver. Toute la région peut profiter de la nouvelle dimension que prend le club.
Champion de France de Fédérale 1, finale d’accession contre Bourg-en-Bresse la saison dernière et cette année, 21 victoires en 22 matchs de saison régulière, la montée en puissance de l'équipe ne cesse plus.
Le club se structure progressivement. Il y a deux ans, on était allé chercher le bouclier de champion de France, le Jean-Prat, puis la Poule Élite en suivant. Au début c’était compliqué et on est arrivé en haut du classement pendant la phase retour. Apte à jouer la montée administrativement, on a atteint la finale sur le terrain. Ça n’a pas tourné en notre faveur mais cette défaite nous a permis d’apprendre. L’objectif est de faire mieux chaque année. On est passé à une marche l’année passée donc si l’on veut faire mieux, on sait ce qu'il nous reste à accomplir.
Qu’est-ce que t’a apporté Richard Hill depuis son arrivée ?
Richard m’a apporté de la rigueur, il n’hésite pas à discuter individuellement avec les joueurs, appuyer sur ce qu’il faut travailler. Même quand je n’étais pas au niveau, en tant que demi de mêlée, il m’a fait bosser. C’est un technicien assez proche des joueurs, qui appuie sur les skills. C’est en grande partie grâce à lui, et à mon travail, que je suis arrivé là et que je continue à avoir ‘’faim’’ de rugby.
Quelles sont les grandes lignes du projet de jeu du RNR ?
C’est une question compliquée (rires). Je dirais : la capacité de chaque joueur à ‘’être capable de tout faire’’, des avants capables de jouer avant ou après-contact, des profils complets. On veut pouvoir attaquer toutes les zones du terrain, alterner en faisant du large-large puis du pick-and-go, s’adapter en fonction des zones et des situations. C’est vraiment cet ensemble qui fait notre force. On verra ce que cela donne face aux grosses équipes. Et on va aussi voir si on est aussi complet que ce que l’on pense.
Comment vois-tu cette double confrontation en 1/4 face à Dax (aller à Maurice-Boyau le 27 avril, retour à Rouen le 4 mai) ?
C’est une très belle affiche face à une équipe assez jeune, qui nous ressemble un peu d’ailleurs sur l’aspect jeu. Ils ont des profils capables de mettre de la vitesse, de faire vivre après-contact et ça peut-être une double confrontation très intéressante. L’équipe qui fera le moins d’erreur, qui sera la plus concentrée devrait l’emporter. On devra être concentrés, et scorer quand on aura l’occasion et à partir de là, j’espère que ça passera.
Tu as raconté avoir été refusé à la porte de nombreux clubs professionnels, est-ce que tu vois ton ascension comme une revanche ?
Au contraire, je prends ce qui m’arrive comme quelque chose de positif. Je n’aurais pas été prêt à partir, il m’a fallu du temps pour m’affirmer. Je suis maintenant fier de ce qu'on accomplit avec Rouen.
Qu’est-ce qu'on peut te souhaiter désormais ?
Avec Rouen, ce n’est pas compliqué, c’est de monter dès cette année. Même si c’est un gros challenge, je pense que l’on est prêt. Ensuite, avec l’équipe de France à sept, la qualification pour les JO. Cela nous fait tous rêver et ce serait vraiment magique d’y arriver.
gjc
un joueur pétri de talent qu'on aura plaisir à voir progresser
plus généralement un bon exemple de ce que peut apporter le recrutement d'un entraîneur étranger de qualité
franpisunship
Un gars en or. Pouvu qu'on monte cette année 🙂
breiz93
Même pas une question sur la meilleure andouille..., bon c'est celle de Guéméné .
Bravo Gabin pour ton parcours, et plein de réussite à 7 ou XV.
Team Viscères
La FFR a de très belles andouilles aussi pourtant.
breiz93
Oh si ça se limitait à la FFR...