Rendez-vous pris à Boulogne-Billancourt, après un entraînement avec le Stade français. Pierre-Henri est aussi grand (1,98m) que moi tendu après avoir failli me planter deux fois de métro (Balard bordel). Mais le deuxième-ligne est de ces joueurs qui mettent rapidement à l’aise leurs interlocuteurs avec une disponibilité certaine. On commence avec du sérieux.
Pourrais-tu te présenter pour débuter ?
Je suis né le 25 juillet 1998 à Nîmes. J’ai ensuite beaucoup voyagé grâce au boulot de mes parents et surtout celui de ma mère. On est arrivés à Paris en 2007, et j’ai commencé le rugby à ce moment-là. Avec la Coupe du Monde en fait. J’avais fait du foot notamment mais je n’étais pas très bon et je me suis éclaté au rugby.
Et tu connaissais un peu le rugby avant ?
Pas vraiment, personne n’y jouait dans mon entourage. Un copain en faisait, m’a emmené, et j’ai commencé à Combs-la-Ville en Seine-et-Marne. Je suis resté six ans là-bas puis six ans à Massy après avoir intégré le pôle de Lakanal. Et je suis arrivé au Stade français cet été.
Quelles sont tes mensurations ?
1,98 mètres pour 110 kilos.
Quel serait ton meilleur souvenir rugbystique ? J’ai bien une idée avec la Coupe du Monde !
Il y en a deux figure-toi ! Le premier concerne d’abord Massy, avec ce maintien que l’on arrache en PRO D2, je découvrais le monde professionnel, j’étais très content d’avoir pu participer à cela, c’était très fort émotionnellement. Et le titre de champion U20 en 2018 évidemment. Ça a vraiment marqué mon univers rugby et ma vie de jeune joueur surtout.
Et le pire ? Je me souviens que celui d’Hassane Kolingar te concernait avec le double rouge face à l’Angleterre aux 6 Nations U20.
C’est sûr que celui-ci, ce carton rouge, il a fait un peu mal. Ça nous a coûté cinq ou six semaines de suspension pour une connerie, un truc pas du tout volontaire. En plus, on perd le match, c’est douloureux comme souvenir.
Mais ça t’arrivait souvent de prendre des cartons ? Tu n’en as pris qu’un seul depuis tes débuts en pro (un jaune avec Massy).
Non non (rires) ! Je me suis calmé par rapport à ça. C’est vrai qu’en jeunes avec Massy, j’en prenais fréquemment quand même. Je me suis assagi. C’était des fautes à la con en plus : attraper le neuf alors que je n’ai pas le droit, entrer sur le côté d’un ruck, plaquer trop haut… Des trucs un peu stupides, tu vois.
Tu as un geste préféré dans ta panoplie de joueur ?
Non, j’ai pas ça moi (rires), pas de geste particulier.
Même le jeu au pied ?
Surtout pas, ce n’est pas pour moi (rires).
Tu as évolué pendant six ans donc à Massy, qu’est-ce que le RCME représente pour toi ?
C’est un peu tout pour moi : mon club de cœur, celui qui m’a formé et tout donné. J’étais très triste de partir, en plus sur cette descente en Fédérale 1. On rêvait tous de se maintenir, j’aurais préféré partir sur un autre note. Ce départ a été difficile à digérer. Mais le club va se relever, j’en suis persuadé.
De nombreux joueurs passés par la formation massicoise ont percé ensuite. Ailleurs souvent. Comment expliques-tu cette capacité à sortir des joueurs prometteurs qui réussissent ?
Je ne sais pas vraiment ce qui se fait ailleurs mais à Massy, il n’y a que des passionnés et une réelle envie de transmettre. Ils ont aussi réussi à créer une certaine alchimie parce que ça vient de toute l’Ile-de-France. Entre ceux qui arrivent de Bobigny, Sarcelles… ou encore Combs-la-Ville comme moi. On retrouve cela nulle part ailleurs, c’est tellement fort ce qui se passe à Massy : des lutins jusqu’aux seniors. ‘’Un club, un cœur, une famille’’, c’est la devise et c’est une réalité. Quand tu portes ce maillot, tu te donnes à 200% pour ce club, pour qu’il continue à vivre. Et cela explique aussi pourquoi autant de mecs ont percé en venant du RCME.
Tu es en contrat Espoirs au Stade français ?
Oui, j’ai signé pour deux saisons, jusqu’en 2021.
Pourquoi avoir choisi le Stade ?
Je voulais rester à Paris pour les études. Ça m’arrangeait. Rester proche de ma famille aussi. Le projet du club m’a également intéressé, sa dynamique et la possibilité d’y progresser.
Donc tu suis des études à côté ? Comment ça se passe ?
Je suis en troisième année d’école d’osthéopatie. Ce n’est pas toujours évident d’allier les deux, il faut s’y faire. Par exemple, on sort tout juste de dix jours de vacances avec le club, avec la trêve, je suis parti trois jours et sinon je suis allé en cours. Dès que j’ai du temps libre ou un jour off, j’y vais aussi. Il faut trouver la motivation pour faire les deux avec la charge d’entraînement mais ça se fait. La directrice est d’ailleurs plutôt compréhensive concernant mon cursus.
Est-ce que tu as un mentor dans le rugby ou en dehors ?
Julien Maréchal (rires). C’est une connerie mais Marech’ compte beaucoup dans ma carrière. Il m’a entraîné à Massy et j’ai aussi joué avec lui, ça m’a permis d’apprendre énormément. Il a une grosse expérience de la PRO D2 avec Aurillac.
Comment vois-tu la concurrence au SF à ton poste ?
Elle est particulièrement importante. De Giovanni, Maestri, Gabrillagues ou encore Pyles et Revers, c’est très costaud. Mais j’ai la sensation qu’on se tire vers le haut, que tout le monde s’entraide. C’est très appréciable de bosser avec des mecs comme ça et personnellement, je pense progresser.
Tu as eu l’occasion de goûter au Top 14 avec trois feuilles depuis le début du championnat. Pour l’instant, le Stade est en difficulté. Est-ce que tu penses apprendre différemment avec des résultats en dents-de-scie ?
Très franchement, j’ai l’impression de vivre la même chose qu’à Massy, le même début de saison. Ça y ressemble. On ne va pas se mentir, à l’heure actuelle, on joue plus le maintien qu’une place dans les six. Mais je pense que les beaux jours reviendront au Stade français. Car on travaille dur et que ça doit payer.
Des joueurs t’ont marqué, impressionné ?
À Castres, un truc m’a marqué. C’est le fait d’avoir joué contre Capo Ortega. Jamais je n’aurais imaginé le rencontrer, je le voyais à la télé et là je le vois passer dans le couloir et je me dit ‘’waow mais je vais jouer contre Capo Ortega’’. C’est une référence, il a prouvé par sa longévité et son niveau de jeu.
Sur ce que tu as vu du Top 14, tu constates quelles différences avec la PRO D2 ?
La vitesse de jeu, et le fait de ne pas avoir le droit à l’erreur. Du tout. Tu paies cash. En Top 14, un ballon tombé, une pénalité causée, c’est un turn over au mieux, et des points encaissés au pire. C’est plus exigeant. La PRO D2, c’est fort mais en Top 14, il faut être encore plus précis. Sur les contacts, en revanche, j’ai trouvé ça assez similaire. Il y a du solide partout, ça ne change pas.
Et entre le fonctionnement de Massy et du Stade français, tu remarques quelle différences ?
J’ai pu voir que les entraînements sont plus poussés au Stade. C’est dans la culture sud-africaine je pense, avec une part très importante donnée aux détails. D’un point de vue physique également, le cardio, la muscu, c’est plus intense.
Tu franchis les étapes de manière linéaire. Pôle, sélections, PRO D2 avec Massy, désormais le Top 14. C’est volontaire de construire ainsi ta carrière ?
En effet. Le Stade français m’avait contacté bien avant l’année dernière par le biais de Pascal Papé, mais j’avais refusé car j’avais à cœur de jouer d’abord en PRO D2 avec Massy. Mon poste demande de la bouteille, de l’expérience et il faut être patient. La deuxième division est un championnat très formateur. Et je ne voulais pas brûler les étapes. C’est pour cela que je suis ce parcours. L’opportunité du Stade s’est présentée et j’ai saisi ma chance.
Quel souvenir gardes-tu de l’épopée en U20 avec la victoire au 6 Nations puis celle de la Coupe du Monde ?
Le souvenir surtout d’une aventure humaine formidable. Pour la plupart, on jouait ensemble depuis plusieurs années, tout en intégrant des mecs comme Jordan (Joseph), notamment. Au-delà de la performance sportive, le fait d’être champions du Monde, c’est d’abord une bande de copains. On essaie de se voir souvent, de se recroiser et c’est ce que je retiendrai de cette compétition.
Coupé-décalé mais surtout décalé.
1vs1 à l’entraînement, tu préfères croiser Loïc Godener ou Kylan Hamdaoui ?
Ça dépend… sur cinq mètres ? Je vais choisir Kylan quand même parce que Godener c’est un tank. Sur un court espace, il peut réussir à me renverser. J’ose espérer pouvoir attraper Kylan.
Chaussette gauche, chaussette droite… tu as un rituel d’avant-match ?
Rien du tout vraiment, pas de routine particulière. Même pas de musique. J’aime bien entendre le bruit du vestiaire.
Si tu devais miser sur un joueur que tu connais et que tu verrais bien exploser, ce serait lequel ?
Je pense à Massimo Ortolan (NDLR : 21 ans, cinq feuilles de PRO D2) qui joue à l’ouverture ou centre à Massy. S’il continue d’enchaîner les performances comme il le fait, il a tout d’une étoile montante pour moi. Vision du jeu, animation, défense, avec le ballon, il est vraiment complet.
Spécial Génération Abdoul :
- Le ‘’sappeur’’ du groupe ? Elle est difficile cette question car il y en a plusieurs des sappeurs, des mecs qui font attention. Je dirais Pierre-Louis Barassi, Adrien Séguret, Cameron Woki. Et Iban Etcheverry pour ses Ugg (rires).
- Le plus drôle ? Barrassi direct. Très marrant.
- Tu peux compter sur qui pour mettre l’ambiance ? Iban Etcheverry, Ibou Diallo, Ugo Boniface, Pierre-Louis Barassi. Ceux-là, ils font pas mal de conneries pour faire rire tout le monde, tu peux compter sur eux pour mettre de l’ambiance.
- Celui qu’il faut éviter à l’entraînement ? Hassane Kolingar. Toujours à 100%.
- Tu choisis qui pour un discours d’avant-match musclé ? Teddy Baubigny, le talonneur du Racing. Il n’était pas là à la Coupe du Monde car il était blessé mais il a toujours été avec nous en sélection. C’est mon meilleur pote, et il est costaud niveau avant-match.
Tu parlais de Barassi, ça t’a surpris de le voir aussi vite avec les A ?
Non, ça fait un certain temps qu’il joue à Lyon, il est installé. Je suis très content pour lui, c’est très bien. Et ça ne me surprend pas de le voir à ce niveau-là.
Si tu dois choisir un joueur du Stade pour défendre un-contre-un capital à cinq mètres de la ligne ?
Arthur Coville (rires).
Et pour un duel offensif où il faut marquer ?
Julien Delbouis, il va être content (rires).
Avec qui tu formerais ta deuxième-ligne idéale ?
Maro Itoje. Si j’avais la chance de jouer avec lui ce serait une vraie fierté. Il est exceptionnel.
Un dernier mot pour conclure ?
J’espère que les beaux jours reviendront au Stade, qu’on va un peu remonter au classement. L’équipe n’est pas à sa place au vu du travail fourni, j’espère que ça va payer et qu’on va remonter.
Mat RCK
Le rugbynistère en mode chasseur de tête pour EDF en panne de 2ème ligne. Envoyez CV et lettre de motivation à F. Galthié à FFR Marcoussis, copie BL. Joindre si possible vidéo de votre technique de lever de coude.
Bitch Bucannon
Merci pour l'interview ! C'est top de lire ça un lundi pluvieux.