INTERVIEW. Qui est Géraud Clermont, passé de la Fédérale 2 à Bath en trois mois ?
Géraud Clermont aux côtés de ses coéquipiers à Bath.
Formé dans le Gers, Géraud Clermont est en essai à Bath depuis début juillet. Ce 1ère-ligne polyvalent de 25 ans s'est lancé dans une nouvelle aventure. Entretien.

Est-ce que tu peux nous raconter ton parcours rugbystique ?

J'ai commencé le rugby assez tard, à 13/14 ans après quelques années de football. J'ai donc débuté à l'EGM (l'entente Gimont-Mauvezin) puis j'ai fait une année à Gimont en Juniors et une autre à Auch avant de revenir à Gimont pendant deux ans. Après, j'ai joué à Mirande en Fédérale 2, on est descendu en Fédérale 3 puis on est remonté. Je suis arrivé à Bath cet été.

Comment t'es tu donc retrouvé à Bath, un club historique d'Angleterre ?

Pierre-Henry Broncan (NDLR : notamment entraîneur de la défense du Stade toulousain de 2015 à 2018, passé par Colomiers et Tarbes), le fils d'Henry Broncan qui est le manager de Mirande, est venu voir certains de nos matchs l'an dernier. Après celui de Fleurance, il m'a dit : ''je vais entraîner à Bath, si je pouvais je te prendrais avec moi''. Mais comme il a dit ça en rigolant je n'y ai pas trop porté attention. La saison continue et à son terme, j'ai eu un entretien avec le président et Henry Broncan. Je leur ai dit que même si j'avais passé une super saison à Mirande, j’espérais pouvoir jouer plus haut mais que sinon ça ne me dérangerait pas de rester. Pierre m'a appelé en avril et il m'a dit : ''Géraud, j'ai parlé avec les entraîneurs de Bath, je veux que tu viennes là-bas''. J'ai pris un gros coup de pression mais j'étais ok. Le 30 juin, j'ai pris l'avion. Le 1er juillet, je participais à mon premier entraînement.

Quel est ton statut de joueur au club?

Quand je suis arrivé, ils m'ont donné une période d'essai d'un mois. À quelques jours de la fin de ce premier contrat, ils m'ont dit que ce n'était pas trop mal et comme il y avait des blessés, ils me renouvelaient ma période d'essai d'un mois supplémentaire. J'étais content car c'était une nouvelle occasion pour moi de prouver des choses, surtout qu'en arrivant là-bas, je ne pensais pas être gardé plus d'un mois. Je m'entraîne et je fais les activités avec l'équipe première et je joue avec la B. Cette semaine, j'ai eu un entretien avec le manager, il m'a dit que je jouerai le prochain match (NDLR : vendredi 7 septembre) et que je saurai lundi si je signe pour le club.

En France, quel était ton profil de joueur ? Est-ce que ça a évolué en Angleterre ?

Je suis un joueur mobile, un avant moderne qui peut jouer des ballons, qui essaie d'être présent dans le jeu. Mais qui n'aime pas trop faire le sale boulot (rires). Venir jouer ici, pour moi, ça a été comme réapprendre le rugby. Que ce soit sur les courses, dans les prises de balles, au niveau des détails... J'ai pu voir qu'au haut niveau, ils voient directement ce qui ne va pas dans les attitudes. Quand je suis arrivé, ils m'ont également fait passer de talonneur à pilier gauche. J'ai grincé des dents mais je n'ai rien dit. La mêlée, ça a été très compliqué les trois premières semaines mais après beaucoup d'entraînements, de pratique et de conseils de mes coéquipiers, j'arrive à mieux m'en sortir.

Qu'est-ce que tu recherchais en débarquant en Angleterre ?

En arrivant ici, je me suis dit que j'allais essayer de voir ce qu'était le haut niveau. Cela devait me permettre de me rendre compte ce que je valais, de voir jusqu’où je pouvais me faire ''crever''. C'est un rêve de pouvoir évoluer dans un tel club. Quand tu as 25 ans, tu n'espères plus devenir professionnel comme ça peut-être le cas à 18 ans. C'est comme une dernière chance. Je me suis bien fait rentrer dedans, c'est ce que je recherchais. Je devais sortir de ma zone de confort. J'aime beaucoup être ''challengé'' : par exemple, si un ami soulève 150 kilos au développé couché je vais essayer de faire pareil ou de soulever 155.

Quelle est la nature de ta relation avec Pierre-Henry Broncan, maintenant que vous êtes tous les deux à Bath ?

Il m'a aidé dans le sens où c'est lui qui m'a amené jusqu'ici d'abord. Au club, il a le rôle qu'il occupait déjà à Toulouse : il analyse la stratégie défensive et offensive de l'équipe. Pour moi, c'est aussi un soutien mental. Au début, j'avais de mauvaises attitudes et il a su m'aiguiller. Par exemple, j'ai compris qu'il fallait cesser le travers et tenir différemment le ballon. J'échange beaucoup avec lui sur ce que je dois faire, c'est comme un mentor, il me conseille beaucoup.

Tu as participé au premier match de la saison avec la réserve face à Bristol. Comment ça s'est déroulé ?

J'ai joué vingt-cinq/trente minutes contre Bristol, on s'est incliné 21-30. Je trouve que c'était moyen. J'étais un peu déçu, j'ai perdu un duel en mêlée et je me suis loupé sur une touche. Ici, ils ont un projet de jeu dans lequel ils essaient de jouer vite, de jouer après-contact, où tout le monde peut se retrouver en demi de mêlée. Si tu arrives en troisième sur la zone de ruck, tu envoies au premier attaquant. Moi, je crois que je vais essayer de garder le ballon, car ce n'est pas pour moi de jouer après-contact (rires). Mais sinon, je suis assez satisfait de certaines percussions, je n'ai pas perdu le ballon. J'ai plutôt tenu sur les autres mêlées et puis sur une touche, je me suis bien placé, on a fait un maul et on a marqué. Donc l'anglais, ça commence à rentrer, je comprends les touches maintenant (rires).

D'ailleurs, comment ça se passe en anglais ?

Pour ça, je remercie Andrew Wells. Quand j'étais à Auch, ils ont recruté Andrew qui est Néo-Zélandais et un Australien. Comme eux ne parlaient pas du tout français et que j'avais quelques bases en anglais, j'étais souvent avec eux et j'ai développé mon anglais. Aujourd'hui, je parle plutôt correctement. Ce qui a été difficile, c'est que chaque jour, ici, on fait des meetings : en fait, on se rassemble quelques minutes pour voir ce qui a été bon ou non à l’entraînement. Le problème c'est qu'au début je comprenais un mot sur deux donc je faisais les mêmes erreurs sur le terrain. Au fur et à mesure, j'ai corrigé mais c'était compliqué notamment sur les touches. C'est une petite victoire d'y arriver maintenant même si je me trompe encore.

Tu étais déjà allé en Angleterre ?

J'y suis allé en voyage scolaire avec le collège, ça compte (rires) ? Sinon, non, c'était donc une opportunité de sortir de chez moi. Ici, c'est une ville incroyable, quand on sort avec les joueurs c'est super. Ça fait deux mois que c'est incroyable, je suis un homme heureux vraiment.

Comment es-tu logé ?

Je suis à Farley, le château qui appartient aux milliardaires du club. Le seul petit point noir, c'est que c'est au centre d'entraînement donc je ne bouge pas trop. Du coup, je regarde toutes les séries et les films possibles. Mais c'est bien aussi car de ne pas être en ville, ça m'évite tous les excès, comme j'ai un mental de poisson rouge (rires). Ça me permet de bien manger. À Farley, au moins je suis focus. Il y a d'autres joueurs au château, là il y en a un qui vient d'arriver, c'est Jack Van Rooyens du Super 15 (pilier des Lions) mais il va bientôt emménager dans une maison.

Comment ça se passe dans le groupe ?

Ce qui est assez marrant, c'est que j’adore le rugby mais je ne retiens pas les visages ou les noms des joueurs. Quand les gars se présentaient ici, je ne retenais pas. J'ai raconté à mes potes qu'un joueur m'avait proposé d'aller boire un verre, ils m'ont demandé qui c'était et je leur ai dit que c'était Anthony Watson (NDLR : 31 sélections avec le XV de la Rose), c'est eux qui m'ont expliqué. C'est pareil à la musculation quand je me suis retrouvé à côté de Faletau (NDLR : 72 sélections avec le Pays de Galles). C'est à ce moment-là que je me suis rendu compte de la chance que j'avais de côtoyer de tels joueurs. À part ça, ils sont vraiment très gentils, ils ont vite fait abstraction du fait que je suis venu sans être professionnel. Et comme les coachs, ils ont fait preuve de patience à mon égard.

Certains t'ont impressionné ?

(Rires). Oui, un mec m'a impressionné c'est Max Lahiff (NDLR : pilier, 1, 85 mètres, 117 kilos). Il est blessé et je le vois à la muscu. Avant d'arriver ici, je regardais les joueurs et leurs mensurations sur internet et c'était une erreur (rires). J'ai vu Lahiff et Beno Obano (NDLR : 1, 73 mètres, 120 kilos), je me suis dit que quand j'allais arriver, ils allaient me prendre pour le jardinier. Sinon, c'est l'ensemble qui est vraiment impressionnant. Pour eux, une passe qui fuse des deux côtés, c'est normal. J'ai fait un en-avant sur la première passe que j'ai reçue du demi de mêlée tellement c'est venu vite. Ils sont toujours très précis et s'ils n'arrivent pas, ils recommencent. Après l'entraînement, à Mirande, à 21 heures on se demandait qui allait manger au restaurant d'Annie et qui allait boire un verre à quel endroit. Ici, s'ils restent une demi-heure, ils refont des touches, des mêlées ou des plaquages. Il faut toujours bosser

Tu vois beaucoup de changements par rapport à ton quotidien en France ?

Ce que j'ai trouvé différent, c'est qu'en Angleterre les gens mangent beaucoup et à n'importe quelle heure (rires). Cela peut s'illustrer sur une journée d'entraînement par exemple : à huit heures moins le quart on a déjeuné puis on a muscu à dix heures et collation. Ensuite, skills et meeting avant d'avoir le repas. À treize heures, on passe aux strapping, on a un nouveau meeting d'une demi-heure et on mange de nouveau. Donc à 15 heures, on a déjà eu deux repas et deux collations !

Quelle est la prochaine étape ?

On a match vendredi (7 septembre) contre Gloucester et je saurai lundi si je passe professionnel ou si je quitte le club. Quoi qu'il se passe, il faudra être patient. Si je suis gardé, j'espère prouver que Pierre-Henry Broncan ne s'est pas trompé. Avant de conclure je voudrais vraiment remercier ma famille et mes amis du soutien. Ça peut paraître bête mais ça m'a beaucoup aidé quand j'ai douté car c'est difficile de partir ainsi dans l'inconnu, à l'étranger. Et aussi mes amis de Gimont, de Mirande, ceux du bar le XVIII et ''bébé chat'' (rires).

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