Vendredi 22 Septembre, Bloemfontein, capitale de la province Free State en Afrique du Sud. Les fans des Cheetahs se rendent au stade vers 17h pour une soirée unique dans le monde professionnel du rugby. En effet, la franchise sud-africaine s’apprête à disputer deux matchs à domicile dans la même soirée : la première rencontre capitale contre les Pumas en Currie Cup – championnats des provinces sud-africaines où les Cheetahs sont tenants du titre – dans l’optique d’une qualification en demi-finale , suivie du « choc » de Pro 14 contre les Irlandais du Leinster et sa pléiade d’internationaux.
Pour comprendre cette situation rocambolesque et unique en son genre, il faut remonter quelques semaines en arrière, et plus exactement au 7 juillet. Ce jour-là, la fédération sud-africaine (SARU) entérine l’éviction des Cheetahs et des Kings du Super Rugby suite aux directives imposées par la SANZAAR de revenir à quatre franchises sud-africaines.
Super Rugby - Et si les Cheetahs et les Southern Kings intégraient la Ligue Celtique ? Cette décision ne fut pas vraiment une surprise : les Kings étaient déjà condamnées depuis des mois et les représentants des Cheetahs ne se faisaient guère d’illusions contre des franchises historiques (bien plus riches et influentes) telles que les Bulls, Sharks, Stormers ou encore les Lions, derniers finalistes du Super Rugby. Cependant à la différence de la Western Force (franchise coupée en Australie, qui est en clash ouvert avec sa fédération), les Cheetahs – fleuron de la formation « populaire et pauvre » sud-africaine - ont reçu des garanties financières de la part de SARU et ont pu négocier avec le Pro 12 une adhésion aussi rapide que confuse. Moins d’une semaine après leur mise à l’écart, les Cheetahs étaient en contacts avancés avec le Pro 12 et l’adhésion fut officialisée quelques jours plus tard.
Pro 12 : c'est officiel, les Kings et les Cheetahs vont intégrer la Ligue Celte La rapidité de cette décision a permis de minimiser l’exode massif des cadres vers les autres provinces et de façon assez surprenante, les Cheetahs ont gardé la majorité de leur effectif du SR... à défaut des Kings qui sont eux proches de la banqueroute.
Doublons avec la Currie Cup
La survie des Cheetahs étant assurée, cette situation de repli a engendré un conflit de calendriers à faire pâlir les plus grands gueulards du Top 14. Vous aviez peur des doublons ? Vous pensiez (à juste titre) le calendrier du Top 14 mal ajusté ? Voici donc l’apparition du « Triplon » ! Les Cheetahs sont engagés (contrairement aux Kings) depuis fin juillet en Currie Cup, ont dû envoyer pour les deux premiers matchs de Pro 14 en Irlande une équipe privée de ses internationaux (Rhule, Venter, Cassiem, Mohoje en sélection avec les Boks) et bricoler en parallèle une équipe avec les joueurs restant pour s’aligner en Currie Cup le même week-end, à 15 000km d’intervalle…
VIDÉO. Top ou Flop : quels débuts pour les Cheetahs et les Kings en Pro 14 ?Résultats : Deux cartons contre l’Ulster et le Munster et deux défaites de plus de 40 points en Currie Cup qui laissaient envisager un long chemin de croix « zèbrien », « trevisan » (ou Bayonnais selon les goûts) pour cette saison inaugurale. De retour en Afrique du Sud les valises pleines après ces deux déroutes inaugurales, les Cheetahs ont pu faire souffler un peu la machine avec un match plus abordable contre les Zèbres sans doublon de Currie Cup pour glaner leur premier succès en Pro14.
Retour donc à ce vendredi, où la décision fut d’aligner pratiquement la meilleure équipe possible – incluant certains Boks libérés par la fédération - contre les Irlandais tout en mettant à disposition quelques joueurs expérimentés comme Blommetjies avec la « B ». Pari doublement réussi : la « B » des Cheetahs s’imposant dans les derniers instants contre les Pumas et validant quasiment son ticket pour les demi-finales, quand l’équipe fanion corrigeait dans la foulée les Irlandais du Leinster avec un match à sens unique et deux essais d’école sur ballons portés.
Crédit vidéo :
Et maintenant ?
Un mal pour un bien, les Cheetahs ont dans un premier temps utilisé cette situation pour donner du temps de jeu à de nombreux jeunes, dont certains prometteurs viendront étoffer l’effectif « pro » en seconde partie de saison. Ils ont aussi réalisé quelques bonnes pioches sur le marché des transferts en signant la fusée des Kings, Makazole Mapimpi. Pratiquement qualifiés en demi-finale de Currie Cup, ils se retrouvent aujourd’hui à la 3ème place (qualificative) de leur conférence de Pro 14 et profitent de la faiblesse relative des Connacht, Cardiff et Ospreys qui sont dans le dur en ce début de saison. Justement, les Ospreys se rendent à Bloemfontein ce vendredi dans un match qui pourrait confirmer les intentions des Cheetahs cette saison. Ils vont devoir courber l’échine jusqu’à la fin de l’année : certains joueurs n’ont pas eu de repos depuis plus de 10 mois et ont enchainé plus de 150 000km de déplacement en avion ! (Ça paye la Platinium).
Les joueurs sont épuisés, les risques de blessures sont importants mais s’ils parviennent à rester dans le bon wagon après les deux derniers doublons du mois prochain (et un possible dernier doublon en cas de qualification pour la finale de la Currie Cup … se déroulant au milieu d’une journée de Pro 14), ils auront une carte à jouer au printemps prochain ou le phénomène s’inversera. Les Cheetahs disposeront alors d’un effectif quasi-complet et d’un calendrier focalisé sur le Pro14 alors que les clubs « européens » devront eux faire avec les doublons du VI Nations et les matchs de Coupes européennes…
Nbat64
Super article! Et en plus ils ont pas eu vraiment de break avec le Super fini pour eux en Juin. mais c'est claire que Currie Cup + pro14 c'est vraiment pas simple. Si en plus ils ont de très bon joueurs, ceux ci risquent d’être pris avec les bokke pour le Championship puis la tournée d'hiver.
Je reste quand même dégouté que les Cheetahs a été virer comme ça... Je préférais le Super a 15 avec la Force et Cheetahs.
Ekyrby
Je ne comprend pas que World Rugby ait accepté cette situation...
Ali-Papé Ratini
Dans ce cas de figure exceptionnel que représente les Cheetahs aujourd'hui, on peut aussi parler de la situation d'Armandt Köster, qui non content de son éprouvante saison "3 en 1" avec le Super Rugby, Currie Cup et Pro 14, a décidé d’enchaîner directement après avec une longue et usante Pro D2 avec le FCG.
Alors qu'on parle assez souvent de la difficulté qu'ont les recrues sudistes à enchaîner Super Rugby et Top 14, là c'est encore un autre niveau.
Cela rappelle aussi un autre cas de figure exceptionnel vécu par le japonais Fumiani Tanaka qui, entre 2012 et 2013, a aligné deux saisons de Super Rugby, d'ITM Cup et de Top League, sans compter les rencontres internationales. Le repos c'est pour les faibles.
Ahma
Les joies du rugby au temps des univers parallèles.