Comment t'es tu retrouvé à l'étranger ?
Après la Rochelle, je suis allé à Aix-en-Provence où j'ai été blessé un bon bout de temps, puisque j'ai été opéré deux fois d'une hernie discale. J'ai donc très peu joué lors de ma deuxième année là-bas, car j'ai eu du mal à revenir et Marc Delpoux comptait peu sur moi. Je me suis alors retrouvé à Rouen. Au début, cela ne s'est pas trop mal passé, j'avais des bonnes sensations, mais je n'avais malgré tout pas retrouvé toutes mes capacités physiques. Sur la première partie de saison, je partageais le temps de jeu avec mes coéquipiers, mais lors de la seconde partie, j'ai beaucoup moins joué. Je me suis alors posé des questions sur le rugby et la suite de ma carrière. J'ai toujours eu envie de partir à l'étranger et je me suis dit que c'était peut-être le meilleur moment pour le faire.
J'ai donc activé des pistes à l'étranger, en Italie notamment, mais le recrutement était déjà clos. Car j'ai su tard que je n'allais pas être gardé à Rouen. Sinon je pense que je serais resté là-bas, car le projet était beau. Je me suis également renseigné pour la MLR aux États-Unis et j'ai pu rencontrer le propriétaire du club de New-York. La rencontre s'est effectuée en France, cela s'est plutôt bien passé. Seulement, au niveau sportif, ils ont eu l'occasion de recruter Ben Foden. Et le transfert s'est effectué.
Pourquoi avoir finalement porté ton choix sur l'Australie ?
J'ai eu comme idée l'Australie, mais sans le côté rugby dans un premier temps. Je souhaitais juste obtenir un Working Holiday (visa travail-vacances), ce qui est assez simple pour ce pays, puisqu'il n'y a qu'un questionnaire à remplir sur Internet. Chacun a la possibilité de le faire avant 30 ans donc je me suis dit que j'allais tenter le coup. Dès que j'ai reçu mon visa, j'ai contacté Mali Hingano qui joue actuellement au Stade Français. Je le connais bien pour avoir joué avec lui à la Rochelle.
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Je lui ai expliqué mon projet et il m'a donné les coordonnées du club de Manly, situé dans la banlieue nord de Sydney. J'ai eu de la chance de tomber sur cette destination, qui est l'un des meilleurs endroits pour vivre sur Sydney. Je les ai donc contactés et ils étaient intéressés par ma venue. Mais j'ai dû attendre janvier pour partir. Du coup, j'étais un peu à la ramasse au moment du départ, car d'août à janvier, je n'ai pas fait grand chose. Je suis arrivé le 15 janvier et dès la semaine d'après, on commençait la préparation physique. La saison débutant en avril. Sachant que le championnat se finit fin juillet et que les phases finales ont lieu en août.
Comment se déroule le championnat dans lequel tu évolues ?
Il rassemble 10 équipes de Sydney (le Shute Shield). J'ai été très étonné, car le niveau est plutôt élevé. Un des joueurs de Manly, Beaudein Wakka, a joué avec l'équipe de Nouvelle-Zélande de rugby à 7 il y a deux ans.
Crédit vidéo : Te Karere TVNZ
Pendant la saison, chaque ville d'Australie a son championnat et celui de Sydney est le plus relevé. Il y a également, comme en Nouvelle-Zélande, un championnat de provinces qui a lieu à partir de septembre, mais qui est également très cours (2-3 mois), car il n'y a que 7 équipes (6 d'Australie et 1 des Fidji). Ce championnat permet aux équipes de Super Rugby de recruter des joueurs pour alimenter leurs effectifs. Par exemple, Beaudein Waaka a fait la préparation physique avec les Melbourne Rebels avant de débarquer à Manly. Il y a un groupe plutôt élargi au départ, mais ensuite celui-ci se réduit.
Quel serait l'équivalent de ton championnat en France ?
J'y ai réfléchi, mais clairement, c'est très difficile de comparer, car le jeu est totalement différent. Si on joue une équipe de Pro D2, je pense qu'on aurait du mal devant, surtout en mêlée et en touche. Ici, on ne passe pas des heures à travailler la touche, ils jouent quasiment tout en intention. Résultat, il y a beaucoup de déchets. Si tu as 50% de tes ballons, c'est déjà pas mal. Par rapport à l'Europe, il n'y a pas de temps morts. La pénaltouche est à peine trouvée que le talon est déjà en place ballon en main. Tout est fait pour avoir un maximum de rythme. Les arbitres sont également beaucoup plus laxistes sur le jeu au sol, ils ont tendance à plus favoriser l'attaque. Le club possédant 5 équipes, les matchs s'enchaînent toute la journée. La cinquième équipe commence à 9h30 le matin et la journée va jusqu'à 15h, heure à laquelle a lieu le match de l'équipe première. Il y a à chaque fois 15 titulaires par équipe, mais les remplaçants peuvent avoir joué avec l'équipe d'avant. Par exemple, dans la deuxième "grade" (nom donné aux équipes), les remplaçants sont des joueurs de la troisième. Les gars jouent donc souvent deux matchs dans la même journée ! C'est le côté un peu moins professionnel... Pour les équipes 2 et 3 le niveau est très proche, ça ressemble plus à de la Fédérale 1. Même si derrière, le niveau est bien au-dessus, je pense.
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« C'est la première fois depuis mon opération que je me sens retrouver mes capacités physiques »
Personnellement, où te situes-tu ?
Ça m'a fait très bizarre quand je suis arrivé. Sur la préparation physique, j'ai dû perdre entre 4 et 6 kg. Ils m'attendaient à un meilleur niveau physiquement. J'ai donc surtout évolué avec la 2 et la 3 dans un premier temps. Mais récemment, comme mes performances ont été plutôt satisfaisantes, les entraîneurs m'ont fait comprendre que j'allais avoir ma chance en première. Comme le championnat est cours, il ne faut pas manquer l'occasion. Actuellement, je me sens bien. C'est la première fois depuis mon opération que je me sens retrouver mes capacités physiques. Le fait également de participer à des matchs rythmés me fait prendre davantage de plaisir. Un peu comme lorsque j'étais en Espoirs à la Rochelle. Comme il n'y pas de montée ni de descente, ça joue beaucoup. Il n'y a pas un match où nous n'avons pas mis 20 à 25 points.
Quel est le volume de séances d'entraînement dans la semaine ?
Nous nous entraînons deux fois par semaine plus les séances de musculation et les matchs le week-end. Nous avons également de la vidéo le lundi. Nous n'avons entraînement que le mardi et le jeudi, mais ce sont souvent des séances longues. J'arrive en général vers 18h pour l'entraînement qui commence à 18h30. Il y a toujours des skills d'installés. Ensuite, il y a réunion puis entraînement pendant 1h voir 1h30. Ce qui est différent de la France où nous avons souvent plus d'entraînements, mais qui durent moins longtemps. Pour les matchs du samedi, l'organisation est assez particulière, puisqu'il n'y a pas de bus. Chacun doit se débrouiller pour se rendre sur le lieu de rendez-vous. Cela est tout de même possible, car nous jouons essentiellement des équipes de Sydney, donc il y a maximum une heure de route à faire. Malgré tout, la structure reste professionnelle. Les matchs sont filmés, l'équipe 1 possède des GPS et les préparateurs physiques sont très bien considérés.
Es-tu le seul Français de l'équipe ?
Au début de l'année, il y avait deux autres Français qui étaient également venus pour jouer. Un de Carcassonne et un de la Seyne-sur-Mer. Mais ils ont fait deux semaines de préparation, puis ils ont arrêté. Il faut dire qu'à Manly, les loyers sont plutôt chers donc tu as intérêt à trouver de l'argent si tu veux rester. D'autant qu'il faut payer à la semaine. Et pour ce qui est du club, on est payés à la prime de match, je n'ai pas de contrat. Pour ma part, je suis arrivé pendant les grandes vacances donc tous les postes étaient pris par les étudiants. Ça n'a pas été facile de trouver quelque chose. Mes deux collègues français de leur côté sont partis faire un road-trip. Ce qui est très courant ici, c'est le travail en ferme. Car au bout de trois mois de travail, le visa peut être renouvelé pour un an. Souvent, les personnes font ça et partent en road-trip ensuite avec l'argent qu'ils ont gagné.
Au niveau de l'ambiance, que penses-tu de l'état d'esprit australien ?
C'est assez particulier. Car nous sommes beaucoup, une centaine au début de l'année et environ 80 actuellement. Donc cela reste compliqué d'organiser des soirées. Et puis, l'ambiance un peu hupée de Manly fait que c'est peut-être moins franchouillard que ce que j'ai connu en France. Il y a également beaucoup d'étrangers qui viennent grâce au Working Holiday Visa. Des Argentins, des Brésiliens, beaucoup d'Anglais également. Nous avons notamment un deuxième ligne qui a joué à Bath.
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« C'est aussi très intéressant de faire autre chose que du rugby »
As-tu pu tester d'autres formes de rugby ?
Malheureusement, quand je suis arrivé, c'était la fin de la saison de rugby à 7. Je n'ai donc pu faire qu'un seul tournoi avec Manly, qui a fini la saison de Sevens invaincu.
Que fais-tu d'autres à part du rugby là-bas ?
Je n'avais pas trop de plans en arrivant. Le club a des contacts, mais ce n'est pas comme en Europe où on t'aide pour tout, que ça soit l'appartement ou le travail. Ici, c'est à toi de chercher. Au début, je bossais trois jours par semaine à nettoyer des voitures. Désormais, j'ai trouvé un temps plein et je suis intendant chez un concessionnaire automobile. Ça me permet de travailler l'anglais et c'est aussi très intéressant de faire autre chose que du rugby.
Jusqu'à quand vas-tu continuer ton aventure ?
Je vais participer à la fin de saison qui dure jusqu'en juillet, voire en août si on atteint les phases finales. Je vais ensuite revenir en France pour profiter un peu de revoir ma famille et mes amis et je pense retourner en Australie. Sauf si d'autres opportunités s'offrent à moi en France. Si je continue en Australie, je travaillerai dans les fermes pour pouvoir prolonger mon visa et refaire une saison là-bas. Je suis également en train de me renseigner pour y développer des activités professionnelles.
Tekaha
Eh ben, c'est une sacrée décision de partir en Australie sans assurance professionnelle, bravo à lui !