Tournoi des 6 Nations - Jérôme Cazalbou : "Le XV de France a la capacité de rivaliser"
6 Nations : Jérôme Cazalbou évoque le XV de France et son expérience de consultant.
Sept fois champion de France, Jérôme Cazalbou est depuis l'un des consultants majeurs de France Télévisions. Ce samedi, il commente Ecosse - Irlande. L'occasion de parler avec lui du 6 Nations à venir.

On va commencer par du classique : à l'aube du Tournoi des 6 Nations, comment tu sens les Bleus de Guy Novès, cinquièmes l'an passé ?

On sent une équipe en progression, un groupe qui est en train de se former. C'est toujours difficile de mettre sa patte dans un premier tournoi, avec une prise en main relativement tardive d'un nouveau manager, d'un nouveau staff. La tournée en Argentine a permis de mieux travailler, et on a vu du mieux sur la tournée de novembre. Après le Mondial 2015, le XV de France avait deux défis : fédérer à nouveau le public derrière lui, ce qui a été acquis au vu de l'engoument autour de l'équipe, puis s'imposer. Le haut niveau, c'est avant tout des victoires. Et pour l'instant, la France ne gagne pas, ce qui explique le mauvais classement à World Rugby (la France est 8e, ndlr) à quelques mois du tirage au sort des poules de la prochaine Coupe du monde.

C'est pourquoi il faut gagner ce Tournoi, même si ce ne sera pas simple avec trois déplacements, dont deux en Irlande et en Angleterre.

Justement, si tu devais te mouiller, quel serait ton pronostic pour la victoire finale dans le 6 Nations ?

C'est un 6 Nations qui est très ouvert. Globalement, l'Angleterre est favorite, même si elle va devoir se déplacer en Irlande lors de la dernière journée, dans un match qui s'annonce engagé. On a déjà vu le XV de la Rose perdre des Grand Chelem là-bas, encore faut-il qu'il soit en position de le faire. Mais l'organisateur comme les diffuseurs ont ciblé cette rencontre comme la finale du Tournoi.

Les Gallois ont beaucoup de blessés, avec un jeu qui leur prend beaucoup de gaz, mais il faut les surveiller : eux aussi défendent leur place dans le premier ou le deuxième chapeau pour le tirage au sort du Mondial 2019. Et il ne faut pas oublier les Ecossais. Avant de penser au dernier match, les Irlandais doivent se concentrer sur leur premier déplacement en Ecosse, et ce n'est jamais gagné d'avance. Surtout que Sexton n'est pas là ! Certes, tous les joueurs du squad ne sont pas au même niveau, mais sur les deux premières journées, l'Ecosse peut poser de réels soucis.

A l'automne, l'Irlande a battu les Blacks, l'Angleterre a terminé l'année 2016 invaincue, même l'Italie a battu l'Afrique du Sud... Après des demi-finales 100% sudistes à la dernière Coupe du monde, tu as le sentiment que les nations de l'Hémisphère nord comblent leur retard ?

L'échéance de la Coupe du monde, c'est toujours quelque chose de particulier. Si on regarde bien, les Nations du nord ont toujours embêté celles du sud en tournée, mais entre les confrontations en été, à l'automne, la comparaison est toujours délicate. Le prochain mondial est encore loin, il y aura d'abord la tournée des Lions en Nouvelle-Zélande. J'ai malgré tout l'impression que ça se resserre un peu plus. A voir ce que l'Angleterre, qui avait pris un peu d'avance, va faire sans ses joueurs blessés. Sur les trois premières journées, le Tournoi peut montrer qu'il a pris du corps, et qu'il sera dur de dégager un réel leader. A moins que l'Angleterre fasse un grand coup d'entrée face aux Bleus.

Ce Crunch, tu le sens comment ?

Si les Français arrivent à se mettre dans la même dynamique qu'à l'automne et gomment certaines inconstances dans le jeu au pied, on a la capacité de rivaliser. Il manque quelques joueurs importants en face. Eddie Jones a été obligé de décaler certains joueurs qui ne jouent pas à leur poste, ça peut être intéressant d'utiliser ça, en attaquant la zone de Daly (centre avec les Wasps, déplacé à l'aile face aux Bleus).

La 3e-ligne anglaise est également recomposée. Il peut y avoir un coup à faire, la France peut avoir des ambitions et c'est normal, même si les Bleus ont aussi leurs blessés. Ce sera aussi la grande première de Baptiste Serin, qui sera à scruter. On sait aussi l'importance de la mêlée sur l'Hémisphère nord, avec le regard des arbitres qui peut être différent au niveau international. Il y aura un gros test pour Cyril Baille.

Tu évoques Serin, pour qui ce sera la première titularisation dans le Tournoi. Machenaud est sur le banc, Morgan Parra, Sébastien Bézy voire Antoine Dupont sont en réserve... Qu'est-ce qui explique un tel réservoir dans le rugby français ?

On n'a pas le problème qu'avec le poste d'ouvreur parce que dans l'historique du rugby français, le demi de mêlée a une très grande importance. Sur sa responsabilité, son rôle dans l'organisation entre le jeu des avants et la transition avec les 3/4... Les responsabilités sont partagées mais restent prépondérantes pour le n°9. Dans l'Hémisphère sud, c'est le demi d'ouverture qui prend le leadership, et on le voit avec les étrangers qui arrivent en France : ils commandent leurs n°9.

Si tu devais faire un choix à la mêlée du XV de France, tu titulariserais qui ?

Je n'ai pas de choix à faire, ça dépend de la stratégie que l'on veut mettre. On a beaucoup parlé de Baptiste Serin en novembre : pour que le staff sache vraiment le niveau actuel de Baptiste sur un match international, il faut le faire attaquer sur le premier match, même si c'est le Crunch. Maxime Machenaud est un joueur avec de très grosses qualités : si ça c'était bien passé contre l'Angleterre, on n'aurait pas pu le changer contre l'Ecosse. C'est donc logique de mettre Serin dans un match qui n'aura pas la même pression que cet été en Argentine. Il a convaincu lors de ses entrées en jeu grâce à son intelligence et sa maîtrise, mais la pression sera différente en débutant.

Concernant les adversaires des Tricolores, si tu devais conseiller quelques joueurs encore méconnus à suivre à nos lecteurs, ce serait qui ?

Les Ecossais attendent beaucoup de Huw Jones, le 3/4 centre des Stormers né à Edimbourg, qui a marqué deux essais contre l'Australie à l'automne, sans oublier Jonny Gray qui est devenu le leader du paquet d'avants à 22 ans. Sur l'Irlande, Gary Ringrose au centre sera à surveiller dans son duel face à Jones : on l'annonce comme un futur très grand, et il aura la chance d'être associé à Henshaw, son partenaire de club. Iain Henderson marche dans les pas de Paul O'Connell.

Le Pays de Galles n'a pas changé grand chose, mais Ross Moriarty de Gloucester va avoir du temps du jeu. Je crois beaucoup en Sam Davies à l'ouverture qui est un joueur d'avenir. En Angleterre, les jeunes sont déjà très expérimentés, mais Nathan Hughes peut faire mal. Enfin, en Italie, Carlo Canna m'avait fait très bonne impression sur le début de son Tournoi l'an passé. Et le jeune 3e-ligne Mbanda est peu connu mais c'est un joueur de relais à regarder.

Ton avis sur le système de promotion / relégation avec le Tournoi B, ultra dominé par la Géorgie ?

Je ne suis pas pour. Aujourd'hui, on est Français, on se dit qu'on est protégés, que ça ne nous arrivera jamais. Mais si la France termine dernière du Tournoi, est-ce que la FFR acceptera d'aller jouer contre la Belgique, l'Allemagne ou la Russie ? Respectons cette équipe italienne, ce n'est pas facile pour elle. N'oublions pas ce qui s'est passé dans le championnat d'Europe U18, où l'Ecosse a fini dernière et devait descendre sur le Tournoi B : elle a refusé, et toutes les équipes anglo-saxonnes ont fait corps, et aujourd'hui, la France est championne d'Europe juniors en battant la Géorgie de 80 points. On se régale... Pas sûr que ça les prépare correctement pour les U20. Il ne faut pas oublier le contexte politique.

Par contre, c'est à la France et aux nations britanniques de prendre en considération les progrès de la Géorgie en proposant de disputer plus des test-matchs. Il existait par le passé un match historique entre la France et la Roumanie. Pourquoi ne pas faire pareil tous les deux ans avec la Géorgie ?

Le 6 Nations sera la première compétition internationale à tenir en compte de la nouvelle réglementation sur les plaquages. Va-t-il y avoir une grosse incidence ?

On verra comment vont l'appliquer les arbitres. Aux joueurs de s'adapter, ils n'ont pas été formés, juste été informés. Il faudra faire attention aux mauvais réflexes dans un premier temps, car des matchs pourront basculer sur des décisions des arbitres qui appliqueront ce qu'on leur aura demandé.

C'est quoi un week-end type du 6 Nations pour un consultant ? Il y a aussi des 3ème mi-temps après les matchs ? Raconte-nous un peu tout ça !

Dans la semaine, on prépare le match, on étudie les compositions d'équipes, les déclarations des entraîneurs, on échange aussi avec le corps arbitral en début de Tournoi par rapport aux nouvelles directives. Le départ se fait le vendredi après-midi pour ne pas être pris sur des problématiques d'avion. Quand on est sur place, si on en a la possibilité, on va faire un petit saut pour aller voir une des deux équipes si on a des connaissances, pour prendre les dernières informations.

Ensuite, on arrive au stade environ trois heures avant le coup d'envoi. On discute avec les journalistes et les consultants des autres pays pour avoir des informations supplémentaires, leurs visions sur les compositions... Et on entre dans son match au moment de l'échauffement. Sur l'après match, on reprend l'avion le dimanche matin : on est dans l'ère du rugby professionnel. Même la 3ème mi-temps, on la fait beaucoup moins, surtout que les semaines sont chargées, je bosse à côté. Mais quand il y a des arbitres français comme ça va être le cas ce week-end, on va quand même boire un petit coup avec eux.

Ton meilleur souvenir de consultant, c'est quoi ?

J'ai un très bon souvenir d'un 1/4 de finale de la Coupe du monde 2003 en Australie, entre le Pays de Galles et l'Angleterre. Les Gallois dominent en première mi-temps avant l'entrée de Mike Catt pour épauler Jonny Wilkinson, et le match bascule. Un très gros match. Pour être plus sur les matchs du 6 Nations, le Grand Chelem des Gallois en 2005 qui battent l'Angleterre au Millennium lors de la 1ère journée, avec une pénalité de plus de 50 mètres de Gavin Henson. Il y a eu une sacrée 3ème mi-temps des Gallois à Cardiff.

J'ai eu la chance de faire l'Irlande - Angleterre à Croke Park, où les Anglais avaient été secoués. C'était intense, avec beaucoup d'émotion. Le moment des hymnes est également un moment exceptionnel à vivre.

Le lien d'Ecosse - Irlande : 

Crédit vidéo : FranceTV Sport

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