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XV de France. Chronique. ''Si vous avez tout raté, c’est que vous êtes médiocres, donc ce n’est pas de votre faute''
Fabien Galthié n'est plus en confiance.
Oulala, enfin, quel soulagement ! Voilà le retour du tournoi des 6 nations qu'on adore tant ! Yipii !

Qu’on se le dise, le tournoi des 6 nations est bien l’unique intérêt du mois de février pour tous les Français de l’angle mort qui ne peuvent pas partir au ski ou en voyage professionnel à Tahiti. Chaque année, on espère même qu’il pleuve et qu’il vente le samedi après-midi pour s’autoriser à rester enfermé toute l’après-midi au bar devant les matches du tournoi. Galles-Ecosse, Irlande-Angleterre, France-Galles, Italie-Ecosse, qu’importe la formule, toutes ces confrontations évoquent en moi la petite madeleine de Proust d’une enfance retrouvée, à coups de tchic tchac de Shane Williams, de percées de Brian O’Driscoll ou de chevelures de Bergamasco (ou Bergamasci puisqu’ils étaient deux).

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Tous ces souvenirs du Midol jaune du mardi découpé aux ciseaux dans mon grenier pour alimenter mon petit cahier de reportages des matches du tournoi (Eh oui, déjà), dans lequel je tenais aussi scrupuleusement mes comptes des marqueurs d’essais – Rougerie étant mon Penaud de l’époque accumulant les petites barres de mon stylo quatre couleurs. Ah ! Je pourrais passer des heures à raconter les quelques moments inoubliables des tournois des années 2000 ! (ne comptez pas sur moi pour les années 2010 guiradesques).

Vous l’avez compris, le tournoi des 6 nations, c’est mon précieux, mon dada, mon cercle de confiance entre gens bien, entre gentlemen éclairés qui savent dans quel sens couper une orange à la mi-temps d’un match de rugby. Rien à voir évidemment avec… cette coupe du monde affreuse, insupportablement populaire, ouverte à tous les footeux et les starlettes, trop lourde de pression et de spots publicitaires, et qui se termina par un drame commenté par 30 millions de béotiens ! Pourtant je le savais ! Je le savais bordel ! Tout était écrit et aurait dû m’imposer une conduite froide et dépassionnée. Mais que voulez-vous, on parlait pour la première fois rugby à la pause- café, je ne pouvais pas laisser le premier imbécile venu débiter des insanités sans réagir.

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Alors oui, il m’a fallu malheureusement plonger bien malgré moi dans cette coupe du monde, contre l’avis même de mes médecins et j’ai perdu encore deux ans de santé mentale. J’avais pourtant juré de ne pas m’intéresser à cet événement inamical, de rester stoïque face à la montée en température, de ne pas tomber dans ce piège d’une coupe du monde à l’issue certaine – car oui, la France ne sera jamais championne du monde, les dieux nous l’interdisent. C’est un châtiment éternel de Zeus qui réduira à néant tous les espoirs français. Notre XV de France subit le supplice de Tantale : être si proche de tant de convoitises sans jamais pouvoir les toucher, tel un pilier droit en troisième mi-temps sur la piste de danse du Pousse au Crime. 

Et bien soit ! Faites donc votre coupe du monde entre privilégiés, contournez donc Parcours Sup et ne laissez jamais le mérite l’emporter. Nos petites gens du Gers ou de Tripouilles-sur-derche ne connaitront jamais la gloire et l’argent et seront toujours bloqués par ce plafond des verts. « Du kiff, du kiff ! » annonçaient éhontément les sponsors et les médias. Nous eûmes O’Keefe et à la fin, c’est kif-kif. Snif. Promis, dans quatre ans, je pars en retraite au Bhoutan ou en Ardèche, j’élève des chèvres pendant deux mois et me nourris de boulghour, le temps de laisser passer l’orage et la désillusion, et reviendrai tout guilleret pour le mois de Février siroter une Guinness devant France-Irlande 2028. 

Aldritt capitaine

Le tournoi 2024 s’ouvrait donc ce vendredi 2 février avec une affiche alléchante entre la France et l’Irlande. Mais après le psychodrame de la mâchoire de Dupont, voilà que nous nous apprêtions à vivre un match de l’équipe de France sans lui. Cette situation a exaspéré les agriculteurs français, qui, emmenés par Jelonch et sa jambe dans le plâtre ont bloqué les routes en exigeant le retour de Dupont et une meilleure négociation des prix du cochon noir de Bigorre. Gabriel Attal a tenté de les raisonner : « Je vous ai compris. Ce que vous cherchez, vous l’avez dans Lucu ».

La FNSEA du Gers est particulièrement remontée : on tente de saborder le terroir local, après les évictions du groupe France de Bourgarit, Jelonch et Dupont. Galthié change donc son fusil d’épaule et nomme un gersois capitaine pour éteindre le feu. « Pour une symbiose territoriale sub-jacente et co-construite, pour animer le substrat intime de nos patates et de nos magrets de canard, pour aller au-delà de la frontière de la limite des hexagones à huit faces, Aldritt sera le capitaine de l’équipe de France. »

Le rochelais aux mollets plus épais qu’une vache limousine remplace donc Ollivon grâce à ses bonnes notes au TOEIC anglais que Shaun Edwards a fait passer aux deux hommes. « Charles, toi pas speake anglais perfect. Donc Alldritt nomme capitaine. Quand toi savoir speak english like moi je parle french, tou être capitaine » Ollivon fait preuve de compréhension mais garde tout de même sous le coude quelques photos de Galthié tout nu sous la douche au cas où les chosent tourneraient mal.

Une rouste thérapeutique  Quand Galthié a délivré sa nouvelle composition d’équipe pour ce match de France-Irlande, tous les journalistes se sont empressés de calculer l’âge de chacun des joueurs à la prochaine coupe du monde dans 1450 jours, alors que tout le monde s’en tape, nous on voulait juste battre les irlandais 2 jours plus tard. Moi-même dans 1450 jours j’aurai une calvitie et peut-être même un pacemaker, ce n’est pas pour autant que je m’en inquiète maintenant.

La question qui était sur les lèvres de tout le monde était celle-ci : qui des bleus ou des irlandais aurra le mieux digéré la défaite du quart de finale de coupe du monde ? Sur le terrain, la réponse fut limpide : les irlandais ont concassé nos tout petits bleus, montrant que le XV de France est encore tout désorienté après ses déboires de l’automne. Mais étonnamment, pour parler de mon cas personnel, cette piquette a calmé mes rancœurs. Quoi ! Nous nous prîmes pour des champions du monde, accusant uniquement le mauvais sort contre les boks ? Bah non. Nous ne l’aurions sans doute pas été, champions of the world. Les meilleurs, ce sont les irlandais, et les regrets, ce sont eux qui doivent les avoir maintenant ! Quand on voit leur match au Vélodrome, on se dit qu’ils auraient vraiment vraiment dû être champions du monde, ces gros nazes.

Ah que ça me fait du bien ! De voir mon XV de France risible et sans ambition. Mon petit cœur de supporter se sent apaisé. Plus de tristesse, plus d’amertume post-coupe du monde ! On retourne à notre place d’éternels rêveurs, sans plus prétendre être en haut du tableau.

« Docteur, je me sens pas bien. Je suis frustré, j’ai l’impression de rater quelques événements majeurs de ma vie et cela génère en moi beaucoup de colère et d’esprit de revanche »

« Hum, je vois. Dites-vous simplement que si vous avez tout raté, c’est juste parce que vous êtes médiocre, et donc que ce n’est pas de votre faute. Vous allez voir, vous vous sentirez mieux » 

La marée verte Ce France Irlande du cru 2024 fut une longue marée verte. Les irlandais ont imposé leur jeu de manière clinique, hospitalière et orthophonique. Nous pensions que le petit remplaçant de Sexton serait noyé. Que nenni, Crawley est un bon nageur et a mené les attaques irlandaises comme l’aurait fait son antipathique ainé. Mais il faut dire que les dés étaient pipés. L’équipe d’Afrique du Sud, (encore elle), a réussi à inclure dans nos rangs un agent double : Paul Willemse.

Celui-ci, curieusement « blessé » avant de rencontrer ses compairs à l’automne est revenu sur la feuille de match pour ce France- Irlande, comme par hasard ! « Je le prends car il sait bien s’infiltrer dans les ballon-portés adverses » aurait dit Servat. Oui, il s’agit bien d’infiltration à la solde de la nation arc-en-ciel, avec comme mission d’obtenir le plus rapidement possible une expulsion du terrain. Moi j’avais tout compris, j’avais deviné qu’il était le frère de Damian Willemse, le numéro 15 sud-africain, mais personne ne m’a jamais écouté. Mais si ma théorie est fausse, comment expliquer le match de Willemse ? Deux cartons jaunes pour une faute similaire en une demi-heure, cela a bien fait rigoler Mohammed Haouas, qui lui  avait au moins la décence de prendre des cartons rouges immédiats avec des bourre-pifs autrement plus télégéniques.

On ne peut néanmoins pas expliquer toute la défaite par une infériorité numérique. Ce fut tout au long du match une infériorité technique et psychologique qui nous a sauté aux yeux, révélant à tous l’écart de niveau insoupçonné entre ces deux équipes. Le XV de France a peur Notre XV de France a semblé impuissant. Nos trois-quarts furent inexistants, Ramos dépassé par la stratégie du troisième rideau irlandais, amusé par James Lowe dont je rêve d’obtenir le scalp. Penaud fut anormalement maladroit, Moefana aussi timide que sa moustache, et Fickou-Danty complétement terrorisés par les combinaisons irlandaises, au point de vouloir prendre vingt mètres de recul en défense pour tenter de comprendre ce qui va leur arriver. Notre pauvre Lucu était quant à lui en panique. Contré, dépassé, intercepté, et même mis sur lucu derrière ses regroupements, il avait toujours un temps de retard ou un temps d’avance, prenant le ballon en même temps que les défenseurs verts, se trompant entre sa gauche et sa droite.

Evidemment, on n’a pu s’empêcher de dire : « A sa place, Dupont n’aurait pas fait ça ». Mais j’ai envie de dire : « à sa place, Le Garrec n’aurait pas fait ça ! ». Notre petit breton a laissé une meilleure impression pendant les dix petites minutes de son match, notamment grâce à un contest suicidaire qui montre qu’il n’a pas froid aux oreilles décollées. Sa performance prouve évidemment qu’une fois que les bretons auront tous compris comment jouer au rugby et comment lutter contre l’alcoolisme, ils domineront le rugby mondial.

Quant aux avants, ils ont été surclassés dans tous les domaines, excepté la mêlée fermée. La touche fut particulièrement calamiteuse. Pourtant, les français ont insisté dans ce domaine à ma grande stupéfaction. J’avais l’impression de revivre mes matches avec mes avants de Féd 3, avec cette volonté idiote de choisir les pénaltouches alors qu’on n’est pas capables de retenir deux combinaisons de saut coordonnées. Le seul moyen que je trouvais pour éviter ce drame était de vite piquer le ballon au coup de sifflet de l’arbitre pour moi-même jouer vite la pénalité à la main sans jeter un regard à mes gros. Chose que fit Mauvaka lui-même pour éviter d’être ridicule une sixième fois de suite.

Après avoir interrogé la police, il parait que Woki, notre meilleur sauteur en touche, avait été placé sur le banc, supplanté par Gabrillagues. Gabrillagues ! Tiens, j’avais oublié son existence à celui-là, je pensais qu’il était mort en 2017 en même temps que Guy Novès. Comme quoi les copains ça marche toujours, car Sempéré, le nouvel entraineur des avants du XV de France, en provenance du Stade français, n’est surement pas étranger à sa titularisation. « Fabien, j’ai un top player pour toi : combatif, sympathique, de bonne famille, issu d’une bonne école de Paris, à l’aise en toute circonstance, vraiment une énorme recrue, presque une légende ! Si, si ! Vraiment ! Il s’appelle Paul » « Paul aussi ? J’aurai donc Paul et Paul en deuxième ligne. Je le sens bien, avec Paul-Paul, on va faire une performance ». Malheureusement cet attelage ne nous a pas donné la Paul position, mais plutôt deux directions opposées : au Paul Nord, un essai, au Paul sud, un échec. 

Conclusion

La France s’incline donc sur son sol environ beaucoup à pas beaucoup, enfin quelque chose comme ça, je m’en fous je n’ai pas regardé le tableau d’affichage. Disons que cette défaite sonne comme une belle claque du plat de la main en pleine tronche, avec vibration du chewing- gum dans la boite et acouphènes. Mais ce retour sur terre a une vertu : le discours revient sur des éléments de langage basiques français. Exit « la flèche du temps » et « les introspections », le vocabulaire de Christophe Urios refait son apparition. « On va montrer qu’on est des hommes, et on va les mettre sur le terrain ». « On va montrer aux écossais qu’on en a dans le kilt », « On va se regarder dans le miroir ». De quoi nous rassurer : le tournoi est éternel et les Français sont bien français. Et puis n’oublions pas : l’essentiel, c’est d’éclater les Anglais.

Merci à Brieg Ker'Driscoll pour cet article ! Vous pouvez vous aussi nous soumettre des textes, pour ce faire, contactez-nous !

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  • frakc
    23956 points
  • il y a 9 mois

Bravo et merci pour ce texte.

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